27 janvier > BD France > Guillaume Bouzard

Qu’est-ce qui travaille le fier Lucky Luke, "l’homme qui tire plus vite que son ombre" ? Revisitant l’univers du cowboy flegmatique créé il y a soixante-dix ans par Morris, qui l’a développé par la suite avec l’aide de René Goscinny au scénario, Guillaume Bouzard le dépeint au contraire en grand anxieux. Il est vrai que Jolly Jumper lui bat froid. La jument la plus bavarde de l’ouest ne desserre plus les dents et ne lui accorde plus la moindre attention : elle ne répond pas aux sollicitations, refuse de jouer aux échecs ou au tennis, de faire un bras-de-fer ou une partie de pêche.

Aussi est-ce le moral dans les santiags que Lucky Luke va s’acquitter de la mission que lui confie le procureur de Seville Gulch : résoudre la crise provoquée dans leur pénitencier par les fameux frères Dalton, dont l’un, Jack, a entamé une grève de la faim. Il est si troublé par le mutisme de Jolly Jumper qu’il enfile une chemise rouge et un foulard jaune, plutôt que sa légendaire chemise jaune et son foulard rouge. Plus personne ne le reconnaît, ce qui ne lui facilite pas la vie.

Se coulant dans les cadrages et les décors de Morris tout en assumant un trait subtilement décalé, Guillaume Bouzard multiplie les clins d’œil à l’œuvre originale. Il ironise sur la brindille qui a remplacé la cigarette originelle sur la lippe du héros pour l’adapter à la législation anti-tabac. Il montre l’ombre qui avance moins vite que le cowboy, fait des Dalton des daltoniens, et d’Averell, le grand boulimique, un obèse avachi. Il ressuscite des personnages secondaires emblématiques de la série tels Phil Defer ou Ma Dalton. Surtout, il donne pleinement sens à la chanson que le héros fredonne rituellement à la fin de chacune de ses aventures : avec lui, Lucky Luke est vraiment "a poor lonesome cowboy, and long way from home", un pauvre cowboy solitaire loin de son foyer. Du travail pour les psys. Fabrice Piault

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