7 septembre > BD France

Il a chauffé ses couleurs au point que même le tramway semble suffoquer dans les montées. Il n’a pas lésiné sur la rondeur de Pereira, le personnage principal. Adaptant Pereira prétend, l’un des plus beaux romans d’Antonio Tabucchi, Pierre-Henry Gomont a mis ce qu’il fallait de touffeur lisboète, de langueur et de mélancolie pour camper, en juillet 1938, un Portugal vitrifié par la dictature de Salazar.

Dans Lisbonne où le temps semble suspendu, le doutor Pereira assure depuis plus de trente ans la rubrique culturelle du très conservateur et catholique quotidien Lisboa. Ce veuf obèse et cardiaque peut ainsi fermer les yeux sur les exactions du régime. Il n’en est pas moins travaillé par de multiples états d’âme, que le dessinateur incarne dans de petites ombres qui rappellent les anges et les démons qu’Hergé plaçait dans l’esprit tourmenté du capitaine Haddock. Il va ainsi embaucher, pour rédiger par anticipation des nécrologies d’écrivains en fin de course, un jeune journaliste, Francesco Monteiro Rossi, qui va se révéler d’autant plus engagé que sa charmante compagne ne cache pas ses convictions antifascistes.

Tandis que sa jeune recrue compose un éloge risqué du poète espagnol Federico García Lorca, ou fustige le fasciste italien Marinetti, Pereira, démentant sa mollesse apparente, bascule à son tour dans des formes de résistance. Restituant à merveille l’atmosphère poisseuse du roman à coups de dialogues ciselés, Pierre-Henry Gomont en réussit une très belle adaptation. F. P.

24.08 2016

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