De quoi « je » est-il le pronom ? Telle est la question que pose Pascal Bouchard dans ce court mais dense « traité d'ontologie relative ». Ou plutôt si « je » est grammaticalement la personne qui remplace le sujet (de chair et d'os) susceptible de s'interroger sur le fait de s'interroger, quel est vraiment ce sujet ? Ainsi est posée la première pierre d'un édifice de questions concernant l'Être - l'ontologie étant cette branche de la philosophie qui traite de l'être des choses et réfléchit à leur substance et à leurs causes. Je peux douter de tout sauf du fait que c'est moi qui doute, c'est le fameux « je pense donc je suis » cartésien, car il existe bien une équivalence entre la conscience et l'être, un lien d'identité entre soi délimité dans l'espace par un corps et soi se reconnaissant commeidentique dans le temps.

Mais si, à la suite de Descartes, l'auteur infère que « je » est surtout rationnel, contrairement au philosophe des Méditations métaphysiques il affirme que cette raison n'est mue par aucune cause première qui serait une entité surnaturelle, supérieure et omnisciente, qu'en religion on nomme Dieu. Philosophie et foi sont distinctes. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » (Blaise Pascal). Et les raisons de la foi Pascal Bouchard n'entend pas les connaître, toutefois le « je », objet de son enquête, est bien pris dans un réseau de créances (système de croyances interpersonnelles) qui fait que la question du « je » se révèle inextricablement liée à celle du « nous ».