Entretien

Pierre-Yves Bérenguer : « La stratégie de partenariat mise en place depuis un an participe au succès du Festival du livre de Paris »

Pierre-Yves Berenguer, directeur général de Paris Livres Événements - Photo Olivier Dion

Pierre-Yves Bérenguer : « La stratégie de partenariat mise en place depuis un an participe au succès du Festival du livre de Paris »

Équilibre budgétaire dès la première édition au Grand Palais, hausse des ventes de 33 %, mais aussi projet de nocturne en 2026 : le directeur du festival du livre de Paris Pierre-Yves Bérenguer dresse un bilan enthousiasmant de l'édition d'avril dernier et dévoile déjà ses ambitions pour le rendez-vous de 2026.

J’achète l’article 1.5 €

Par Éric Dupuy
Créé le 24.06.2025 à 18h47

Livres Hebdo : Deux mois après la fin du festival, quel bilan économique tirez-vous de cette édition 2025 ?

Pierre-Yves Bérenguer : Nous clôturons le budget de l'événement à l'équilibre. C'était un défi car nous avions beaucoup d'inconnues et huit mois seulement pour le concrétiser. Nous ne connaissions pas le lieu et ses surcoûts additionnels possibles engendrés par 33 % de volume supplémentaire par rapport à l’édition 2024. Par ailleurs le nombre de scènes, de rencontres et d’auteurs doublait cette année. Nous avons maintenu toute l'année une gestion extrêmement rigoureuse des dépenses qui a nous a amenés à faire des choix draconiens en termes de recrutements, de scénographie, d’options de fabrication du mobilier, d’équipements et de fournisseurs techniques ou d’échanges marchandises avec nos partenaires médias. La stratégie de partenariat mise en place depuis un an participe activement au succès de cette édition et à cet équilibre budgétaire. Nous sommes très reconnaissants envers nos partenaires public et privé de leur engagement à nos côtés.

« Pour la première fois en quatre ans, la jauge du dimanche a été équivalente à celle du samedi »

Comment avez-vous procédé pour atteindre cet équilibre ?

Nous avons développé une stratégie de recettes - sponsoring, parrainage - qui a très bien fonctionné auprès des marques, en créant avec chacune d'elles des sujets ad hoc, des rencontres ad hoc, des projets faisant sens et en accord avec les valeurs que nous défendons. Dans un même temps, nous avons travaillé avec nos fournisseurs pour développer avec eux aussi des liens de partenariat afin qu’ils deviennent des « fournisseurs officiels » du festival. Nous avons pu négocier avec eux des avantages financiers en nous inscrivant sur la durée, ce qui permet de baisser les dépenses globales du festival. C'est à la fois ce travail de recherche de financement d'un côté et d'économie de l'autre, qui nous permet d’être à l’équilibre dès cette première édition au Grand Palais. Enfin, les organismes professionnels ont massivement répondu présents et nous avons pu, grâce à leurs soutiens, réaliser un Village de l’interprofession qui a rempli ses objectifs.

Quels sont les indicateurs de satisfaction de cette édition ?

Nos enquêtes reviennent avec un taux de satisfaction très élevé cette année, sur les quatre typologies d’acteurs que nous avons à satisfaire : les éditeurs, les auteurs, les visiteurs et nos partenaires. Sur 114 000 visiteurs, nous maintenons nos 43 à 45 % de moins de 25 ans, ce qui est unique en France parmi les manifestations littéraires généralistes. Nous en sommes très fiers à l’heure où les études constatent un déficit de lecture chez nos jeunes car la jeunesse représente l'avenir du livre.

« Nous avons été contraints de louer des tentes et d’installer nos stocks à l'extérieur. Nous espérons pouvoir maintenir des stocks tampons à l'intérieur du bâtiment »

Nous avons accueilli 7 000 scolaires le vendredi et nous nous sommes aperçus que beaucoup de ces jeunes avaient été prescripteurs pour venir en famille le week-end. Du côté des ventes, nous pouvons annoncer une hausse de 33 % en moyenne du chiffre d’affaires réalisé par la vente des ouvrages par rapport à l’édition 2024. Et puis pour la première fois en quatre ans, et malgré le marathon de Paris, la jauge du dimanche est équivalente à celle du samedi, alors que chaque année la fréquentation baissait d'environ un tiers le dernier jour.

Quels sont les points d'amélioration identifiés ?

Nous devons encore renforcer le travail de souplesse logistique, d'achalandage des livres et de réassort. Nous allons étroitement collaborer avec les équipes de la RMNGP (structure de gestion du Grand-Palais, ndlr) pour pouvoir bénéficier de stocks de livres à l'intérieur du bâtiment, ce qui nous a été interdit cette année. Nous avons été contraints de louer des tentes et d’installer nos stocks à l'extérieur. Nous espérons pouvoir maintenir des stocks tampons à l'intérieur du bâtiment, ce qui évitera beaucoup d'allers-retours de nos équipes et réduira également les coûts. De plus, nous travaillons à simplifier davantage les accès du public et des visiteurs et à augmenter les jauges de nos scènes car nous avons été victimes de notre succès lors de nombreuses rencontres.

« Le thème de la mer sera remplacé par celui du voyage, pris dans son acception la plus large »

Que pouvez-vous révéler de l'édition 2026 ?

Elle se déroulera les 17, 18 et 19 avril au Grand Palais avec la concrétisation d’un espace dédié à l’international. En complément, nous allons consolider ce qui a donné pleine satisfaction, notamment la présence des éditeurs jeunesse, BD et manga et le Village des enfants, renouveler le partenariat avec Beaubourg et le Festival Extra! qui a amené un public différent sur le festival et maintenir la galerie de l'adaptation littéraire en partenariat avec la Scelf, en renforçant le lien entre le livre et le cinéma ou les séries TV. Il y aura deux innovations principales en 2026. D’abord, le thème de la mer sera remplacé par celui du voyage, pris dans son acception la plus large : voyage intérieur, voyages littéraires, poésie, mais aussi aborder les enjeux contemporains comme ceux de l'exil, de l'immigration ou la création d’une expérience partagée autour du voyage du goût.

« Une nocturne ouverte au public le vendredi soir »

Nous réfléchissons également à proposer une nocturne le vendredi soir ouverte au grand public, événementialisée autour du rapport entre les arts culinaires, les arts de la table et les genres littéraires. L’équipe travaille déjà intensément à cette prochaine édition et le dossier de participation sera envoyé la semaine du 30 juin à l’ensemble des exposants. Enfin, en complément de la stratégie de recherche de sponsoring menée en 2025, nous lancerons dès le mois de juillet notre stratégie de recherche de mécénat afin que des grands donateurs mais aussi des PME et TPE puissent soutenir nos actions éducatives et culturelles par des dons leur ouvrant droit à une réduction d’impôts.

« Un rang intermédiaire "Invité spécial", ouvert non seulement aux pays, mais aussi aux régions et aux grandes villes, capitales, métropoles »

Vous introduisez également une nouvelle catégorie d'invités ?

Exactement. Jusqu'à aujourd'hui, il y avait un gap énorme entre les pays simples exposants et les pays invités d'honneur. Nous avons donc pris la décision d’ajouter un rang intermédiaire que l’on nommera « Invité spécial », ouvert non seulement aux pays, mais aussi aux régions et aux grandes villes, capitales, métropoles. Nous sommes d’ores et déjà sollicités. Cela ouvrira la porte à de riches collaborations avec des pays qui n'ont pas forcément les moyens ou même l’envie d'être Invités d'Honneur. L'idée est d'accueillir non seulement la filière du livre mais plus largement la culture du pays concernés, en croisant tous les genres littéraires et l’excellence artistique, comme nous l'avons fait avec le Maroc cette année.

Comment votre approche transdisciplinaire est-elle perçue par la filière ?

L'ensemble des éditeurs et des auteurs ont joué le jeu et nous ont fait confiance sur la nouvelle formule, y compris des genres comme la jeunesse, qui ne venait plus. Nous les remercions chaleureusement pour cela. Au regard du succès de cette première édition, unanimement saluée par la profession, nous sommes encouragés à poursuivre cette voie, à conserver la place centrale aux littératures, en continuant de croiser les genres avec d’autres disciplines, que nous renouvellerons chaque année. Même ceux qui ont pu être sceptiques parlent aujourd’hui d’un nouveau départ. Car le projet est autant orienté grand public que monde professionnel. C’est un équilibre sensible à trouver, une magnifique opportunité de développement et finalement ce qui constitue son identité aujourd’hui. Comme nous développons autant cette grande fête populaire du livre promise en 2024 que le développement international et BtoB, pour une visibilité augmentée de la filière, nous parlons finalement à tout le monde !

Les dernières
actualités