Un premier grand prix d’automne pour l’auteur, Laurent Mauvignier, et un quatrième sacre au Goncourt pour les éditions de Minuit, entrées dans le groupe Madrigall en 2022.
Le dernier Goncourt de la maison remontait à 1999 avec Je m’en vais de Jean Echenoz, année de la première publication de Laurent Mauvignier. Cette fois-ci, il n’a fallu qu’un tour pour sacrer l’expérimenté auteur d’un livre lourd mais accessible. « C'est la plus belle chose qui puisse arriver à Minuit. C'est encore une nouvelle étoile pour la maison », a déclaré Thomas Simonnet à Livres Hebdo, sans préciser le chiffre du retirage commandé dans la foulée de l’annonce.
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À ses côtés dans le salon Goncourt de chez Drouant, Charlotte Gallimard, directrice générale du groupe Madrigall, évoque seulement une bonne anticipation logistique pour l’ouvrage de 752 pages. « J'y croyais très fort depuis cet été, après la lecture. C'est un livre qui m'a beaucoup touchée en tant que lectrice », a-t-elle également confiée.
Un consensus
Philippe Claudel, président de l'Académie Goncourt, justifie le vote du premier tour par un « consensus » progressif. « Tout le monde pense que les quatre livres finalistes méritaient le Goncourt. Mais à un moment, il faut faire un choix », explique-t-il. Le vote à six contre quatre « montre que les échanges ont été discutés ». Le zéro voix obtenu par Emmanuel Carrère et Nathacha Appanah, qui vient de recevoir le Femina, s'explique par une « règle presque tacite au Goncourt : Voter utile dès le premier tour ».
Paule Constant, membre du jury, confie néanmoins qu’« au moins deux jurés ne savaient pas pour qui voter » entre Laurent Mauvignier et Caroline Lamarche. Elle regrette qu’Emmanuel Carrère ait été « évacué un peu trop tôt », jugeant sa biographie d'Hélène Carrère d'Encausse « somptueuse ».
Pour Philippe Claudel, le choix récompense « bien sûr un livre, mais aussi un trajet littéraire ». Bien que La maison vide s'impose comme « une somme », c'est « un livre qui a une puissance littéraire, qui revisite notre histoire du XXe siècle par le biais de personnages éminemment attachants ».
Un potentiel commercial malgré les 750 pages
Ayant déjà dépassé les 90 000 ventes, le potentiel succès commercial du roman est assuré, selon le juré Tahar Ben Jelloun. « Tous les amis à qui je l'ai offert ou recommandé m'ont remercié parce qu'on passe un moment magnifique, une semaine à le lire », témoigne-t-il. Le roman, dont « le personnage principal est un piano » dans une maison vide, offre selon lui « un rendez-vous fabuleux ».
Paule Constant estime que le livre « va pouvoir atteindre sa cible populaire, elle-même l’ayant dévoré « en trois heures de train et une grosse matinée ». Philippe Claudel défend lui aussi le potentiel grand public. « L'élitisme n'existe pas en littérature. Il suffit de faire un pas vers le haut » car le Goncourt est « là aussi pour attirer des lecteurs qui n'iraient pas forcément vers des livres exigeants ». Il prévient toutefois que loin d’être un page-turner, c’est un livre qui « donne le temps de penser. Dans un monde où tout va trop vite, cette maison vide offrira un abri, du réconfort, de l'émerveillement ».
L'émotion d'une reconnaissance attendue
Quant à l’écrivain, il confie son « étonnement » face au succès du livre « depuis qu'il est sorti ». Après 25 ans de publication, il perçoit « quelque chose de très particulier » : « C'est un livre qui rencontre les gens. J'ai fait beaucoup de rencontres en librairie et je suis tellement touché par l'accueil ». Le roman fait partie « de ces images qui font écrire », porté « depuis l'enfance », ajoute-t-il.
Thomas Simonnet insiste sur la continuité éditoriale. « Il s'agissait de continuer cette maison d'édition dans sa force, dans son inventivité. Laurent Mauvignier a une œuvre extraordinaire depuis 20 ans ». Pour lui, ce couronnement signifie avant tout « voir la littérature gagner ».


