Photo JOHN FOLEY

Gare de l'Est, quai numéro 10. Jean-Philippe Blondel arrive de Troyes. Il a sauté dans le train juste après avoir fait cours à ses élèves du lycée Edouard-Herriot. Troyes, "une petite ville assez chaleureuse", le romancier y est né. Il y a grandi, y a presque toujours vécu. "C'est chez moi", affirme-t-il en allumant une cigarette. Professeur d'anglais, il a su très tôt que c'était sa voie. Ses élèves, auxquels il fait déguster Nick Hornby dans le texte, deviennent parfois des amis à l'âge adulte.

En 2011, Jean-Philippe Blondel n'a pas chômé. Paru en janvier, G 229, chronique optimiste des tribulations d'un professeur de province, s'est déjà vendu à 12 000 exemplaires. (Re)play, son quatrième opus pour adolescents, est sorti en mars chez Actes Sud Junior. Puis voici que Buchet-Chastel programme à la rentrée littéraire un roman autobiographique de toute beauté dont on devrait largement entendre parler : Et rester vivant.

Ce texte qui vous tire les larmes, il l'a longtemps porté en lui, réfléchissant beaucoup à ce qu'il voulait raconter. Tout, ou presque, y est vrai. Comme lui, le narrateur avait vingt-deux ans en 1986. Des cheveux dans le cou, une boucle d'oreille au lobe gauche. Sa mère et son frère aîné ont disparu dans un accident de voiture, quatre ans plus tôt. Son père conduisait. Il a prétendu avoir voulu éviter un animal, mais s'est certainement assoupi.

Papa avait alors passé deux mois à l'hôpital "d'où il est revenu fin taré", essayant régulièrement d'ôter la vie de son cadet. Avant de trouver la mort dans un autre accident de voiture. Apprenant ça, le narrateur au prénom composé liquide tout. Et décide de partir aux Etats-Unis avec son ancienne petite amie et son meilleur copain. A Morro Bay, Californie, à cause d'une chanson de Lloyd Cole...

Blondel, on l'a découvert en 2003. Lorsque Delphine Montalant publie Accès direct à la plage (repris en Pocket). Le bonhomme écrit pourtant depuis l'âge de neuf ans. Des poèmes, devenus des nouvelles à l'adolescence où il prend de plein fouet Kerouac et Modiano. A dix-neuf ans, il boucle son premier roman. Il en rédigera ensuite immanquablement un par an pendant dix-neuf ans. Le temps de récolter 270 lettres de refus, de se persuader qu'il ne sera jamais publié. Accès direct à la plage lui a également été retourné. En le reprenant, Blondel le trouve tout de même meilleur que les précédents. Comme il vient de lire En compagnie des femmes d'Eric Holder, il l'adresse, au culot, à l'écrivain accompagné d'un mot haut en couleur.

Fan de rock

Enthousiaste, Holder lui téléphone deux jours plus tard et le dirige vers sa femme éditrice, Delphine Montalant. Blondel a trente-neuf ans quand paraît son faux premier roman ! Une avant-critique dans LivresHebdo - où il côtoie cette semaine-là deux autres débutants qu'il continue de fréquenter, Patrick Goujon et Fred Paronuzzi - lui vaut d'être repéré par les libraires. Dont Laurent Bonelli, qui s'emballe pour son livre et l'entraîne chez Robert Laffont où il va publier cinq romans. Après le décès de Bonelli, Blondel bifurque vers Buchet-Chastel. L'éditrice Pascale Gautier avait elle aussi éconduit Accès direct, mais en lui envoyant une lettre très détaillée pour lui expliquer pourquoi elle ne le prenait pas. Chez Buchet, ses ventes ont décollé d'entrée de jeu. Dès Le baby-sitter (2010), écoulé à plus de 15 000 exemplaires en grand format, avant d'être repris en Pocket.

Blondel se met tous les soirs à sa table de travail vers 21 heures-22 heures. Jamais plus d'une heure ou une heure et demie d'affilée. Il lui faut trois à six mois pour venir à bout d'un manuscrit. L'auteur de Juke-box (Laffont 2004, repris en Pocket) précise qu'il a besoin d'être cadré, qu'il n'aimerait pas devoir écrire en professionnel de la chose. Pour chacun de ses textes, ce fan de rock choisit le morceau qui va l'accompagner pendant l'écriture. Pour Et rester vivant, ce fut Rich de Lloyd Cole. L'un des dédicataires du livre, au premier concert duquel il avait assisté en 1984 au Palace. Depuis que son dernier livre est terminé, Jean-Philippe Blondel se dit "en jachère". Décidé à souffler enfin un peu avant de reprendre le flambeau.

Et rester vivant, Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel, 14,50 euros, 245 p., tirage : 7 000 ex., ISBN : 978-2-283-02518-5. Sortie : 1er septembre.

28.06 2016

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