Anthologie/France 11 février François de Combret

Dès l'abord, lorsque nous parvient cet ouvrage, on songe à un canular, à un écrivain s'abritant derrière un pseudonyme : s'appeler François de Combret (même si l'orthographe du nom du village d'Eure-et-Loir où se passe l'enfance du narrateur n'est pas tout à fait la même) et écrire sur Proust, est-ce bien raisonnable ? Et, puis, chemin lisant, on apprend que M. de Combret est quelqu'un de bien réel et de fort sérieux : énarque, magistrat à la Cour des comptes, conseiller d'un ancien président de la République, puis banquier d'affaires... Et qu'il a découvert Proust à l'adolescence, au lycée, grâce à l'un de ses condisciples rebelles qui, plutôt que les lectures classiques conseillées par MM. Lagarde et Michard ou Castex et Surer, dévorait en cachette A la recherche du temps perdu. Le galopin s'appelait Yves Navarre. Il devint un bel écrivain qui a connu une fin tragique, et son copain lui rend au passage, dans sa préface, un juste hommage. Navarre est bien trop oublié.

François s'est donc mis lui aussi à lire la Recherche, une dizaine de fois depuis, dit-il, et on veut bien le croire : c'était le minimum pour confectionner Le bréviaire qu'il publie aujourd'hui, une somme, une masse de recoupements, de correspondances, de clins d'œil, qui dénotent à la fois une connaissance parfaite de l'œuvre, mais aussi une certaine espièglerie. Ainsi, c'est sous la rubrique « politique » qu'il cite une phrase de Madame de Guermantes, laquelle, fort soucieuse du sort du monde, lance un : « La Chine m'inquiète. » Ou encore, cette remarque tout en finesse de la mère du narrateur qui « s'émerveillait qu'il [M. de Norpois, diplomate à la retraite] fût si exact quoique si occupé, si aimable quoique si répandu ». Et le fils de commenter : « sans songer que les "quoique" sont toujours des "parce que" méconnus ».

Valéry, rappelle de Combret, saluait chez Proust l'intérêt de « chaque fragment ». Son propre livre en comporte plus de 3 000, classés par ordre alphabétique de mots-clés, une cathédrale en miniature (avec près de 900 pages quand même) du grand œuvre proustien, lequel est quasi irréductible en volume, tant il contient de richesses, de bijoux, de morceaux de bravoure. François de Combret invite donc à la fois l'amateur de la Recherche à la relire quotidiennement, et le néophyte à la découvrir, comme il le fit lui-même autrefois. C'était avant qu'il n'intègre l'Ena, en 1967, au sein de la promotion Marcel Proust.

François de Combret
Le bréviaire de La recherche du temps perdu
Droz
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 25 euros ; 896 p.
ISBN: 9782600058872

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