11 février > Roman Etats-Unis

Pourquoi lui a-t-elle dit ça ? Pourquoi, alors qu’elle s’enquérait de son âge, s’entendant répondre "trente-trois", répliqua-t-elle, sans réfléchir davantage, "à mi-chemin de la mort" ? Elle, c’est Spaulding, 19 ans, qui vient d’arriver à New York pour vivre auprès de son père, après un séjour en hôpital psychiatrique, et ne se donne pas d’autre projet que d’exercer la pleine souveraineté de sa créativité. Le trentenaire, c’est Jeremy Best, avocat d’affaires dans un grand cabinet dirigé par ledit père de Spaulding, célibataire endurci, dont à première vue rien ne permet de supposer qu’il soit vraiment vivant ; si ce n’est son activité nocturne (et confidentielle, à l’exception d’une unique publication dans les pages de la Paris Review) de poète sous le nom de plume de Jinx Bell. Ces deux-là, tout caparaçonnés d’une peur qu’ils déguisent en dérision, ont oublié de vivre. Ils vont devoir l’apprendre d’autant plus vite (et à aimer, aussi) que l’on diagnostique à Jeremy un cancer qui semble indiquer qu’il n’est pas à "mi-chemin de la mort", mais à sa porte.

Brillant, drôle, sarcastique, les lecteurs de ses précédents romans (de Mister Bones à Un bouddhiste en colère, Liana Levi, 2005, 2011) savaient que Seth Greenland l’était. A la lecture de Et les regrets aussi, qui se pare, sans rien perdre de ces vertus initiales, d’une troublante, nouvelle et très maîtrisée gravité, ils vont découvrir un auteur à la palette plus large qu’imaginé. Ce roman impeccable, servi par la splendide traduction de Jean Esch, c’est Love story réécrit par Jay McInerney. Greenland y affronte avec bravoure le risque magnifique du ridicule. Il s’en sort haut la main, congédiant l’ironie par l’émotion. O. M.

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