Roman/France 21 août Sophie Bassignac

La narratrice, Lucie Paugham, 45 ans, est une marionnettiste internationalement reconnue, avec son personnage unique de Théodora, à qui elle donne vie sur scène. A la ville, en revanche, elle est agoraphobe, ne sort presque pas de chez elle. Aussi, par malchance, pour une fois qu'elle va au cinéma, et croit se trouver seule dans la salle obscure, un type s'approche d'elle, et lui lance : « Donnez-moi une bonne raison, une seule, de ne pas me suicider cette nuit.» Précisons que nous sommes un 31 décembre. Particulièrement sensible sur le sujet, puisque son propre père a été retrouvé pendu, dans le grenier de la maison familiale, par sa sœur Agnès, le 29 juin 1987, Lucie, sur une impulsion, finit par lui proposer de l'assister dans son travail, en tant que récitant, durant une tournée de un ou deux ans qu'elle est en train de mener. Il faut dire que cet Alexandre Lanier est plutôt séduisant, qu'il a une voix superbe et est l'auteur d'un livre sur les films disparus de Méliès, l'une des idoles de Lucie. Cela fait beaucoup de coïncidences. Mais elle ne mesure pas combien sa générosité risque de mettre en péril d'abord son travail avec sa petite équipe déjà constituée et harmonieuse. Puis son clan familial même, « à l'africaine : mère magicienne, père griot » - son mari Philippe, un négociant en gemmes qui passe son temps à parcourir le monde, leurs deux enfants Louis et Véga, sa sœur Agnès et son mari, restaurateurs, tous très soudés même si on devine qu'il n'y a plus vraiment d'amour entre Lucie et Philippe, lequel mène une double vie, et elle le sait. On devine également que la relation entre Alexandre et sa «patronne » sera tout sauf simple.

D'emblée, il se met l'équipe à dos, déteste le personnage de Théodora, qui lui rappelle la mort, et, à Lisbonne, pour sa première prestation scénique, disparaît sans explication et sans laisser d'adresse. Furieuse, blessée, Lucie décide de le traquer, de percer ses secrets, et, en théorie, de lui dire son fait, de lui dégonfler son ego. Naturellement, les choses ne se dérouleront pas du tout comme l'héroïne l'avait prévu.

A sa façon unique, Sophie Bassignac a réussi un roman acrobatique, qui pourrait basculer dans le convenu, mais non. Les personnages et les situations sont fouillés, poussés à bout dans cet univers des marionnettes largement exploré par la romancière.

Sophie Bassignac
Le plus fou des deux
JC Lattès
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 19 euros ; 250 p.
ISBN: 9782709665230

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