13 FÉVRIER - HISTOIRE France

Il aurait pu être philosophe ou bien navigateur après un voyage d'un an à la sortie de Normale sup. François Hartog a choisi l'histoire. Mais il n'a pas oublié ses premières passions. Il suffit de lire sa très belle introduction aux entretiens qu'il a accordés à Felipe Brandi et Thomas Hirsch. La chambre de veille, c'est la petite pièce située sous la lanterne dans les phares. C'est là où le gardien, jadis, prenait le quart. Le temps alors suspendait son vol et, dans la solitude, la question de l'autre surgissait. Ce sont justement les deux grands sujets de François Hartog : le temps de l'histoire et la question de l'altérité.

Il y revient dans l'évocation de son itinéraire d'historien qui l'a mené à l'EHESS, où il est aujourd'hui directeur d'études. Il se souvient avec émotion de l'influence qu'ont eue sur lui Pierre Vidal-Naquet, Marcel Detienne ou Jean-Pierre Vernant alors qu'il faisait du théâtre, ou de ses échanges avec Michel de Certeau et Pierre Nora. Ce sont tous ces grands historiens qui lui ont donné le goût de ce passé qui se frotte au présent.

Croire en l'histoire est l'approfondissement de ce qui est dit brièvement dans La chambre de veille et le prolongement d'Evidence de l'histoire (Folio, 2007). François Hartog mène l'enquête sur cette discipline que l'on regardait au XIXe siècle avec les yeux de Chimène comme une science impeccable et dont on se méfie aujourd'hui. Or lui veut encore croire en l'histoire, comme Péguy qu'il aime citer.

Pour instruire ce dossier, il convoque ses grands prédécesseurs depuis Hérodote, Polybe ou Plutarque, interroge les historiens du XXe siècle, mais aussi les romanciers, de Robert Musil à Yannick Haenel, et observe comment les institutions nous ont fait passer de l'histoire à la mémoire, au risque d'oublier le futur. "On va de l'histoire à la mémoire, puis la mémoire bouscule l'histoire, avant que l'histoire ne cherche à reprendre la main en se présentant comme histoire de la mémoire."

Pour bien faire prendre conscience de ce changement, François Hartog revient sur les moments importants des dernières décennies : Shoah de Claude Lanzmann, les procès de Klaus Barbie et de Maurice Papon, les lois mémorielles, l'engouement pour la vision globale du passé ou l'abandon de la Maison de l'histoire de France voulue par Nicolas Sarkozy. Cette évocation et cette fine analyse permettent aussi de mieux comprendre le travail de l'historien aujourd'hui, le succès des manifestations et des émissions sur ce thème et, paradoxalement, la réduction de sa place dans les journaux et la baisse des ventes de livres dans ce domaine.

Voici donc une ample réflexion sur cette matière particulière qu'est l'histoire, passée en un demi-siècle du statut de science au domaine du doute.

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