Son lieu de naissance ? Il ne préfère pas le mentionner. Question de prudence. Avec Internet, on n'est jamais à l'abri d'une manipulation. L'homme est discret, et pour cause. Son sujet d'étude l'impose. Depuis trente-cinq ans, Rémi Kauffer enquête sur les services de renseignement. Depuis trois décennies et demie, il aime plonger au fond de la « Piscine » - le surnom de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - pour y remonter des affaires plus ou moins louches. Les services secrets usent en effet quelquefois de sévices tout aussi secrets dont le citoyen et même les autorités ne sauront rien. Sauf si un fin
limier comme lui les révèle.

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Après Science po, cet ancien trotskiste décontracté fourbit ses premières armes de journaliste d'investigation à Libération et au Matin de
Paris
. Dans les années 1980, avec son complice Roger Faligot, il commence à travailler sur les espions, le KGB soviétique ou le Guoanbu chinois. « Je ne suis ni parano ni complotiste. J'ai seulement considéré que c'était un domaine
historique que l'on pouvait aborder de manière rationnelle au-delà des deux stéréotypes que sont Mata Hari pour les femmes et James Bond pour les hommes. C'était pour moi la meilleure façon d'avoir un angle de vue très large sur le monde. Cela demande évidemment une compréhension plutôt fine des problèmes internationaux.
 »

Barbouzeries

Depuis l'Antiquité et dans de nombreux pays, Rémi Kauffer explore donc le fonctionnement de ces officines qui ont le mutisme pour raison d'être. « Dans l'ensemble, ces services de renseignements répondent à leur vocation :
informer.
 » Mais il y a aussi les dérapages incontrôlés, les guerres internes, les barbouzeries. Il raconte ainsi dans son dernier livre, Les hommes du président, pourquoi Daladier a refusé en 1938 la suppression d'Hitler par un agent français qui avait accepté de se suicider après l'opération : « On n'assassine pas le chef d'Etat d'un pays voisin », avait estimé le président du Conseil.

S'il consacre des passages aux affaires Skripal, Benalla ou Meig Hongwei, le président d'Interpol arrêté à son retour en Chine, Rémi Kauffer examine surtout depuis Churchill et de Gaulle les relations de quarante chefs d'Etat avec leurs services secrets, et cela dans une vingtaine de pays. « Ces services dépendent des crédits du pouvoir politique, mais ne valent que par le crédit que celui-ci leur accorde. » Autrement dit, pas de renseignement sans confiance. C'est d'autant plus vrai à l'heure du big data où la collecte des données permet peut-être de tout savoir ou presque, mais pas de tout comprendre.

Le profil de l'espion lui aussi a changé. Il est de plus en plus technicien, de plus en plus connecté, ce qui ne l'empêche pas d'être aussi sur le terrain. « Avec le Mossad et le Secret Intelligence Service, les Israéliens et les Britanniques savent exploiter la mythologie des services secrets. Alors que la CIA est toujours présentée pour ses coups tordus, même si l'agence de renseignement a toujours entretenu de bons rapports avec Hollywood. »

Aujourd'hui, Rémi Kauffer aimerait bien savoir ce qu'est devenu le dossier Mitterrand du Bureau central de renseignement et d'action (BCRA) de la France libre. Cet anarchiste qui défend l'Etat estime que les services secrets devraient dépendre des Affaires étrangères plutôt que de la Défense, et que la clarté complète sur les opérations est une option inatteignable. « La transparence totale n'est ni possible ni souhaitable. » Le silence sur certains sujets fait partie de la vie démocratique, mais il appartient à certains de le briser. Il s'agit de trouver le compromis entre la responsabilité de l'historien et la liberté du journaliste. « Il faut raconter quand on peut raconter. » Une forme de chut... libre.

Rémi Kauffer
Les hommes du président
Perrin
Tirage: 0
Prix: 25 €
ISBN: ISBN 978-2-262-07432-6

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