Rentrée jeunesse

Rentrée Jeunesse : Oh ! les beaux livres !

salon du livre de montreuil - Photo olivier dion

Rentrée Jeunesse : Oh ! les beaux livres !

Romans pour rire, dystopies, comédies familiales, séries en pagaille, albums rigolos, écolos, avec ou sans trémolos... le livre jeunesse affiche encore en cette rentrée des couleurs éclatantes.

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Par Fabienne Jacob,
Créé le 13.09.2021 à 18h29

À la question de savoir si la crise sanitaire a pesé sur les romans de littérature jeunesse, la réponse est positive. Dans un thriller social et féministe, L'énigme Edna (Nathan), Florence Hinckel met en scène une jeune fille dont la mère a succombé à la Covid. Chez le même éditeur, une épidémie de variole sévit dans Sous ta peau, le feu, de Séverine Vidal. Le monde irait-il tellement mal qu'il ne peut plus digérer la moindre dystopie ? Signe des temps, chez Syros, Yves Grevet, dans son roman Sable bleu, a choisi de mettre un peu de rose dans son noir. Son héroïne Tess ose à peine y croire, mais la planète semble aller mieux depuis qu'une étrange bactérie a contaminé les gisements de pétrole...

Chez Rageot en revanche, l'optimisme n'est pas de mise. Dans Le second souffle, de Gilles Marchand et Jennifer Murzeau, un adolescent vit dans un centre dont il n'est jamais sorti tant l'extérieur est hostile, empoisonné, et une lycéenne se demande à quoi bon poursuivre des études alors que le monde court à sa perte. Dans L'arpenteuse de rêves, d'Estelle Faye, chez le même éditeur, une pollution inquiétante se répand autour d'un quartier d'ateliers. L'auteur d'Eragon, Christopher Paolini, revient avec un nouveau tome d'Idéalis (Bayard). Chez Thierry Magnier, Nathalie Bernard développe son talent dans un roman d'anticipation qui croise les destins de deux jeunes femmes que des siècles séparent (Les nuées). Au Seuil Jeunesse, l'action de Devine de quand je t'appelle, de Nadia Coste et Pauline Coste, a lieu en 2084 mais en fait, suite à une téléportation, elle se passe à la préhistoire. Chez Albin Michel Jeunesse, la dystopie change de continent et file au rythme des contes et légendes d'Afrique dans Nos jours brûlés, de Laura Nsafou.
 

Double page de Même pas en rêve, de Beatrice Alemagna qui signe pour la première fois à L'École des loisirs.- Photo © L'ECOLE DES LOISIRS

En cette rentrée l'Afrique est d'ailleurs largement explorée. Ainsi Djoliba, la vengeance aux masques, de Gaël Bordet (Hélium), se déroule dans le Mali médiéval, où se livre entre Tombouctou et les mines de sel de Taghaza une course-poursuite haletante, mêlant amour, sorcellerie et mystère. Le multiprimé Timothée de Fombelle, dans le tome 2 d'Alma L'enchanteuse (Gallimard Jeunesse), lui, est toujours aussi habité par son héroïne africaine qui cette fois arpente Saint-Domingue et les champs de coton de la Louisiane avant de rejoindre la cour de Versailles. Les Pointes noires à New York (Magnard jeunesse), de Sophie Noël, rétablit la place des Noirs dans la danse. Fabrice Colin, lui, sonde les identités afro-américaines en consacrant une biographie à un couple célèbre, Barack & Michelle Obama (Albin Michel Jeunesse). Dans Amari et le bureau des affaires surnaturelles (Bayard jeunesse), B. B. Alston met en scène une héroïne afro-américaine qui lutte contre les discriminations dans le monde réel et le monde magique.

Un coup de baguette magique

En parlant de sorcellerie, Magique Peri, la nouvelle série signée Fabienne Blanchut et illustrée par Ariane Delrieu (Albin Michel Jeunesse), secoue sacrément alambics et grimoires. La maison Chapelier, de Tamzin Merchant (Gallimard Jeunesse), propose, elle, des chapeaux contre tout, un chapeau d'aplomb contre le trac, un autre contre le chagrin, etc. Un récit joyeux et jubilatoire comme l'est aussi celui de Soutif, de l'irrésistible Susie Morgenstern (Gallimard Jeunesse), qui plonge dans les affres de la période des métamorphoses corporelles. À L'École des loisirs, la célèbre Franco-Américaine réédite son drôlissime Maître Joker (illustré par Serge Bloch). Ah qu'on aimerait être dans cette classe où il est possible d'avoir des jokers pour rester au lit, pour être en retard, etc. Sourire garanti aussi dans La vie en rosede Wil (Hélium), de la Canadienne Susan Nielsen, où Wil, 14 ans, enfant de deux mamans, qu'il appelle ses « Mapas », tombe sous le charme d'une pétillante correspondante française. Où le love at first sight coïncide aussi avec le début des ennuis...

 

Le cauchemar du Thylacine, de Davide Cali et Claudia Palmarucci.- Photo © LA PARTIE


Dans certaines séries, l'humour est carrément parfois la clé du succès. Comme dans le tordant Journal d'un dégonflé, de Jeff Kieney, qui lance son tome 16 (Seuil Jeunesse), ou dans le tome 14 de Tom Gates de Liz Pichon (La Martinière Jeunesse). Sarbacane publie un dixième tome de la série phénomène à l'humour décapant Le journal de Gurty, de Bertrand Santini (près de 400 000 exemplaires vendus). On rit aussi dans la nouvelle série de romans Tilt ! (Milan), qui a pour vocation d'accompagner les lecteurs de 8 ans et plus dans leur déclic de lecture, comme dans Le corbeau et le renard... et le raton laveur, d'Evelyne Brisou-Pellen, qui revisite les fables de La Fontaine. Nathan, lui, publie une nouvelle série à destination des 9-12 ans teintée d'humour et d'aventure, Mystère et pyjamas-chaussettes, signée Louise Mey. Chez Hélium, une nouvelle série de romans graphiques pour les 6/7 ans, de Joëlle Jolivet et Jean-Luc Fromental, Miss-chat, mène l'enquête sur fond de décor scandinave. Chez Casterman, on annonce le grand retour en octobre de Robert Muchamore, auteur de la série à succès Chérub. Sa nouvelle série Robin Hood revisite le mythe du héros justicier mais en mode ultra-contemporain. Chez La Martinière Jeunesse, Sarah J. Maas publie son cinquième tome d'Un palais de flammes d'argent.

Loin des séries, certains romans sont uniques et inclassables. Tel Narval, licorne de mer, à partir de 7 ans (Gallimard Jeunesse), plein de fantaisie et d'humour. Ou encore le nouveau Rick Riordan, L'héritière des abysses (Albin Michel Jeunesse), qui fait remonter à la surface un secret gardé au fond des océans. Original aussi, à destination des timides, réservés et taiseux, cet Introverti.es mode d'emploi (Le Rouergue Jeunesse), de Coline Pierré et Loïc Froissard. Enfin, impossible de parler de littérature jeunesse sans mentionner le nouvel opus de J. K. Rowling : Jack et la grande aventure du cochon de Noël (Gallimard Jeunesse). La fête de Noël sera peut-être l'occasion d'aller voir Mystère, le film de Denis Imbert qui a pour cadre le Cantal, où une petite fille se remet de la mort de sa maman. Ou de lire le roman éponyme signé Nadia Coste (La Martinière Jeunesse).

 
Cette année les animaux semblent être plus fêtés que jamais. Chez Casterman, ils envahissent littéralement le catalogue. Ici, un spectaculaire Le grand défilé des animaux, de Julie Colombet.- Photo © CASTERMAN

Des animaux plein les albums

Du côté des albums aussi les petits lecteurs seront gâtés avant Noël. Comme tous les ans, une avalanche de livres étonnants et épatants déferle sur la rentrée. Aux côtés des stars comme Beatrice Alemagna, Rébecca Dautremer, Claude Ponti et Benjamin Lacombe, on se régale de plumes et de pinceaux moins célèbres. Cette année, les animaux semblent être plus fêtés que jamais. Chez Casterman, ils envahissent littéralement le catalogue. Un spectaculaire Le grand défilé des animaux de Julie Colombet ouvre le bal, suivi d'un tendre et fantasque abécédaire en poèmes, Les animaux rêvent aussi, de Pierre Coran et Iris Fossier, où l'on apprend que le kangourou peut chanter au karaoké et le yack faire du yoyo.

Le dernier-né des éditeurs jeunesse, La Partie, s'intéresse, lui, davantage à leurs cauchemars dans un album époustouflant, Le cauchemar du thylacine, de Davide Cali et Claudia Palmarucci. Un joli cheval blanc tout doux nommé Henry est le personnage principal de l'album Henry, d'Ed Galing et Erin E. Stead (D'eux). Pour les petits nuls en histoire de France, le Mini-loup de Hachette qui fête ses 30 ans se fait un plaisir de la leur expliquer dans le hors-série Mini-Loup raconte l'histoire de France, de Philippe Matter. De son côté, Flammarion Jeunesse fête les 90 ans de la collection Père Castor avec un collector qui reprend les classiques avec leurs illustrations d'origine. Une véritable madeleine de Proust pour des générations de lecteurs !

Qui dit animaux dit écologie. Cette année encore le sujet est sensible. Dans Un pays grand comme le monde, de François Morel et Ronan Badel (Actes Sud junior), les enfants demandent des comptes à leurs parents sur l'état de la planète. Aussi éblouissant que foisonnant est aussi le devine, cherche et trouve sobrement intitulé Nature, de Marion Bucciarelli (Gallimard Jeunesse). L’éditeur Little urban publie Maroussia, celle qui sauva la forêt (Carole Trébor et Daniel Egneus), un conte qui a pour cadre une forêt sur le point d’être détruite par la construction d’un chemin de fer.

Truffe, par Fanny Britt et Isabelle Arsenault (La Pastèque).- Photo © LA PASTÈQUE

 

La sensibilité écologique ne peut affleurer sans l'empathie et les émotions, autre grand thème porteur. A preuve l'album au titre éloquent Nous, les émotions, de Tina Oziewicz et Aleksandra Zajac (La Partie), ou encore Alors, c'est ça, la colère, de Toon Tellegen et Marc Boutavant (Albin Michel Jeunesse). Chez Casterman Jeunesse, Quand Hadda reviendra-t-elle ? d'Anne Herbauts nous parle de l'absence et du manque avec délicatesse. Parfois les sentiments ne sont pas partagés, il faut l'accepter. Chez MeMo, dans le solaire L'été de Chnourka de Gaya Wiesniewski, Justin le solitaire veut se réfugier tout seul dans sa cabane et ne pas se joindre aux autres. Dans Même pas en rêve de Beatrice Alemagna, qui signe pour la première fois à l'Ecole des loisirs, c'est le refus d'aller à l'école qui est questionné avec brio.

Le pessimisme, lui, est raconté par deux chanteurs, Philippe Katherine et Julien Baer, dans le désopilant Pirannosaure (Hélium). L'accueil de l'autre et l'hospitalité forment la trame narrative de l'original Puisette et Fragile d'Estelle Olivier, Laure Poudevigne et Delphine Jacquot (Seuil Jeunesse). Pas d'âge pour commencer à être heureux, selon l'éditeur Thierry Magnier qui publie Premiers bonheurs, de Véronique Joffre. Mais dans la vie on peut aussi être triste, par exemple d'avoir perdu son doudou, comme dans Ninon d'Anne Brouillard (Les éléphants). Le manque de confiance en soi peut rendre tout chose, comme dans l'attachante anthologie Marcel, ce héros, d'Anthony Browne (L'école des loisirs).

Se gondoler

Pas de bobo que ne console l'humour. Même quand on est moche et moqué par ses camarades, on peut avoir plein d'idées et d'ambition pour son futur, comme dans le tordant Kate moche, d'Antoine Dole et Magali Le Huche (Actes Sud Junior). Chez ce même éditeur, Olivier Tallec nous fait nous gondoler aussi avec Les arbres et plantes qui restent à découvrir, tel le cactus porte-manteau. Chez Bayard Jeunesse, Vincent Guigue et Yannick Robert imaginent Le dîner de mouches, où l'on s'assoit sur le « caca-napé » et on mange du « caca-membert ». Au Seuil Jeunesse, Antonin Louchard se demande Pourquoi les lapins ne fêtent pas leur anniversaire. Et, au fait, comment fête-t-on Noël dans une île déserte ?, se demandent Thierry Dedieu et Gilles Baum (Seuil Jeunesse) dans Si loin de Noël.

 

Nathalie Bernard

Noël se passe souvent en famille, et voilà une autre thématique féconde. Chez Milan, la Japonaise Shinsuko Yoshitake (adaptée par Bernard Friot) interroge l'amour qui lie les parents aux enfants dans Pour toute la vie et même après. Nicolas Mathieu, lui, sonde Le secret des parents (Actes Sud junior). Astrid Desbordes et Pauline Martin explorent le bien grandir dans Petite pousse et l'amour maternel dans le pop-up Mon amour (Albin Michel Jeunesse). De son côté Sébastien Perez, lui, se demande qui est La meilleure maman du monde (Margot), album illustré par Benjamin Lacombe.

Chez Gautier-Languereau, on rend hommage à tout type de familles, les monoparentales, les homoparentales, les adoptives, etc., dans On est si bien ensemble, de Franceso Maddaloni et Guido Radaelli. Mais bon, même en famille il peut arriver qu'on s'ennuie et, dans ces cas, on a le recours de 100 idées géniales pour chasser la routine en famille, de Philippe Brasseur et Charles Dutertre (Casterman Jeunesse). La famille peut aussi abriter des différences comme dans Théophile, le géant élégant, bel album de Marc Beaugé et Edouard Baribeaud (Thierry Magnier). Benjamin Lacombe, lui, sonde le handicap dans Cécité Malaga, l'histoire d'une jeune funambule aveugle (Albin Michel Jeunesse). Le pire dans une famille s'appelle l'inceste. La chanteuse Mai Lan Chapiron a choisi d'en parler sans tabou dans Le loup (La Martinière Jeunesse).

Comme toujours le conte est à l'honneur, souvent revisité, détourné, parfois caviardé comme dans l'impayable La princesse rebelle se dévoile, de Guillaume Guéraud et Henri Meunier (Le Rouergue Jeunesse). Le texte a toutes les allures du conte sauf que, comme il est caviardé, l'histoire dérape salement plutôt que sagement. Chez l'éditeur Maison Georges, on n'adhère pas non plus au mythe du prince charmant avec l'album Il était une forme de Gazhole et Cruschiform qui réussit l'exploit de faire progresser la narration par les seules figures géométriques. Le Petit Poucet est quant à lui revu par Agnès Ledig et Frédéric Pillot (Père Castor). De nombreux classiques sont également revisités en cette rentrée. Le magicien d'Oz, Peter Pan et Le livre de la jungle par le duo MinaLima (Flammarion Jeunesse) et Arsène Lupin chez Margot (illustré par Georges Mallié) et chez Gautier-Languereau (par Hélène Druvert).

Plein les mirettes

Parmi les projets hors normes, le documentaire se diversifie. Ainsi Gallimard Jeunesse publie un ouvrage sur la voix signé Magali Le Huche et son... papa François (La voix). A signaler aussi Le corps humain de Joëlle Jolivet (Les grandes personnes) qui par la linogravure donne une vision du corps à la fois stylisée et détaillée. L’éditeur Le Saltimbanque publie de son côté un documentaire sous forme de pop-up sur un thème original, Le livre des temps de Guillaume Duprat et Olivier Charbonnel.

La rentrée livre aussi quelques pépites inclassables du côté des livres d'artistes, tel celui d'Hervé Tullet, chez Bayard Jeunesse, qui donne des idées pour réaliser soi-même une expo (L'expo idéale !). Chez La Joie de lire, un époustouflant Acrobaties de Laetitia Deverney fait s'entrecroiser des acrobates avec grâce. Chez le même éditeur, en parlant d'art, la série Roland Léléfan l'artiste, de Louise Mézel, nous emmène en visite à la Villa Médicis.

Pour conclure, à ceux qui ne sont pas convaincus du grand bonheur de lire, on signalera plusieurs hommages à la lecture, comme celui de l'Argentin Decur, dans Quand tu lèves les yeux (Seuil Jeunesse), celui de Daniel Pennac dans Lire chez Thierry Magnier, celui d'Arnaud Almeras et Robin dans Le livre est magique chez Gallimard Jeunesse ou encore celui d'Inga Moore dans Le bibliobus (Pastel), émouvant plaidoyer en faveur de la lecture partagée.

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