Chaque semaine, des éditeurs publient dans les dernières pages de Livres Hebdo des retenues de titres pour de « nouvelles collections » ou de « futurs ouvrages ». Sans présenter de garanties infaillibles en pur droit, de telles annonces ont bel et bien une importante valeur juridique. A elle seule, la création d'un titre ne suffit toutefois pas, au-delà de la théorie, pour que celui-ci soit couvert par le droit de la propriété littéraire et artistique ; même si l'œuvre est réputée créée, aux termes de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), «  indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception  ». En pratique, une fois le titre déterminé, l'éditeur se heurte à un problème de preuve : il existe un décalage entre le moment où le titre est trouvé et celui de sa divulgation, qui coïncide peu ou prou avec la sortie en librairie. Les éditeurs ont donc tout intérêt à acquérir ce que les spécialistes appellent une date certaine. La publication d'une retenue de titre est un moyen efficace d'établissement d'une antériorité et ce d'autant plus qu'elle s'accompagne d'une publicité que n'accordent pas d'autres techniques tout aussi valables en théorie. Il est en effet également possible d'utiliser l'enveloppe Soleau, proposée par l’Institut National de la Propriété Industrielle ou encore de s'adresser à soi-même un recommandé ou même un mail (reconnu de plus en plus par les tribunaux en raison du nombre d’opérateurs conservant la trace de l’envoi de tout message numérique). Cette dernière astuce, de loin la moins onéreuse, nécessite cependant l’appel à un huissier ou à un expert judiciaire en cas de litige. Les sociétés de perception et de répartition des droits — les fameuses « sociétés de gestion collective » — ou même la Société des gens de lettres (SGDL) enregistrent aussi des dépôts d'œuvres et par conséquent de titres. Enfin, le recours direct au procès-verbal huissier ou aux minutes d'un notaire présente un coût élevé   pour une efficacité égale à celle des techniques les plus simples. L'éditeur n'est cependant jamais à l'abri d'une mauvaise surprise, qui prendra la forme d'une action en justice à son encontre. Il n'existe pas, en effet, de fichier central répertoriant tous les termes indisponibles. Electre, à l'instar des quelques bases de données existantes, est un bon indicateur mais ne peut garantir que le titre pressenti n'a pas été celui d'un ouvrage épuisé depuis parfois fort longtemps. Ou même qu'il n'est pas non plus celui d'un film, d'une chanson... Il convient en particulier de garder à l'esprit les termes de l'article L. 112-4 du CPI, qui dispose notamment que «  Le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même  » mais que, par surcroît, «  nul ne peut, même si l’œuvre n’est plus protégée (...) utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion  ». La notion de « genre » est extrêmement large dans l'esprit des tribunaux, qui peuvent ranger sous la même bannière des produits culturels en apparence totalement différents. Les risques sont donc grands de voir surgir une revendication inattendue. Même une marque, une enseigne, ou encore une dénomination sociale préexistantes peuvent venir jeter le trouble. La publication d'une retenue de titre plusieurs mois avant son lancement permet donc au moins de présumer de la bonne foi de celui qui y procède. Par ailleurs, elle a l'immense mérite de déclencher les réactions d'éventuels titulaires de droits antérieurs, qui n'hésitent pas alors à se faire connaître. Certains s'opposeront à toute utilisation des termes litigieux, d'autres exigeront une contrepartie financière. D'autres encore demanderont simplement que l'utilisation soit circonscrite à certains types d'ouvrages ou légèrement modifiée pour éviter que les libraires qui passent commande ne s'y trompent pas.  
15.10 2013

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