24 SEPTEMBRE - NOUVELLES Etats-Unis

C'est un beau roman, ce sont huit belles histoires. Qui n'en font qu'une. On écrira pour simplifier qu'Amour et obstacles, le dernier livre du Bosno-Américain Aleksandar Hemon, est un recueil de nouvelles. Et effectivement, qu'il relate le séjour d'un ado, fils de diplomate, dans le Zaïre de Mobutu, la découverte de l'horreur et de la fascination trouble de la violence, un voyage au coeur des Balkans dans une ville qui pourrait être fantôme ou la difficulté de devoir en même temps faire ses débuts dans la vie et apprivoiser l'exil, c'est autant d'éclats de vie et de souvenirs (discrètement autobiographiques), donc de nouvelles, que nous révèle l'auteur. Et pourtant, chacune d'entre elles n'est que le miroir ou la réponse à l'autre, tant Hemon brode à l'infini sur le même thème, identité culturelle et éducation sentimentale. Il se souvient du jeune homme qu'il était et de combien il aurait aimé que le monde lui laisse l'être un peu plus... En ce sens, il ne paraît pas exagéré de penser que le siège de Sarajevo est le "motif caché dans le tapis" de cette suite romanesque.

Aleksandar Hemon est né en 1964 d'un père ukrainien et d'une mère serbe. C'est à Sarajevo, dans la Yougoslavie pluriethnique, qu'il étudie. En 1992, alors en voyage d'études à Chicago, le siège de sa ville lui interdit tout espoir de retour. Il restera aux Etats-Unis où il publie dés 1995, ne pouvant concevoir d'écrire dans une autre langue que celle de l'exil. Désormais traduit dans le monde entier, unanimement considéré (surtout depuis la publication du Projet Lazarus, Robert Laffont, 2010) comme l'un des chefs de file, avec Jonathan Safran Foer ou David Foster Wallace, de l'école postmoderne aux Etats-Unis, Hemon mérite pourtant que son lecteur ne soit pas intimidé par ces éloges. S'il bouscule les continuités narratives et ouvre les fenêtres de la fiction dite classique, c'est avec la grâce et la fantaisie d'un autre exilé, Vladimir Nabokov. Comme le chasseur de papillons de Vevey, Hemon semble considérer que nulle vie ne saurait être autre chose que tragiquement drôle et qu'aucune maîtresse n'est plus exigeante que l'écriture.

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