6 juin > Essai France

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Mort en 1980 à l’âge de 75 ans, Jean-Paul Sartre a bénéficié d’obsèques populaires et ferventes. A l’aune de l’influence que le « pape de l’existentialisme » exerça sur une partie de l’intelligentsia française, les jeunes surtout, à partir de son retour en France après son exil aux Etats-Unis durant la guerre. A partir de là, Sartre devient « hégémonique ». En revanche, en 2005, le centenaire de sa naissance n’a pas suscité grand enthousiasme. Soit que la figure de l’écrivain se soit estompée et qu’une partie de son œuvre se voie reléguée au purgatoire. Soit que l’administration de l’époque se soit refusée à toute commémoration officielle. On voit mal en effet Jacques Chirac proposant de transférer au Panthéon ce « gauchiste », l’ennemi le plus radical que la droite ait jamais connu ! Alors, face à ce qu’elle considère comme un centenaire raté, Annie Cohen-Solal a pris son bâton de pèlerin et est allée célébrer son mentor. Elle en a tiré ce petit livre divers et intéressant.

Elle nous y livre d’abord un scoop, en la personne de Dolorès Vanetti, qui fut en 1940 l’amour de Sartre à New York. Puis Annie Cohen-Solal revient sur un aspect peu connu de l’activité de Sartre. Les conférences que, jeune professeur au lycée du Havre, de 1931 à 1936, il donna « aux bourgeois » du cru, afin de leur faire découvrir le roman moderne, incarné par Joyce, Virginia Woolf, Huxley, Dos Passos - que traduisait pour lui Simone de Beauvoir, ou Gide. Vient ensuite un entretien avec Gilberto Gil en 2005, lorsqu’il était ministre de la Culture du Brésil, où Sartre s’était rendu en 1960. L’artiste célèbre la liberté de Sartre et appelle à la création d’une « internationale sartrienne ». C’est là la réflexion majeure d’Annie Cohen-Solal : si Sartre semble négligé en France, son rayonnement à l’étranger n’a jamais été aussi vaste. Aux Etats-Unis, par exemple, où elle a prononcé un « discours » en 2009, au Lorraine Motel de Memphis, où Martin Luther King a été abattu. Annie Cohen-Solal y rappelle le combat de Sartre, « prophète du Tiers-monde », aux côtés des Noirs, son anticolonialisme viscéral, sa passion pour la culture américaine (BD, cinéma, jazz), son empathie de protestant pour ce peuple jeune, moderne, optimiste, à l’opposé de la France rurale « moisie » de De Gaulle ou de Mauriac. Selon elle, même Barack Obama serait sartrien.

J.-C. P.

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