Avant-critique Roman jeunesse

Avant et après. Avant, la maman de Manon se maquillait et n'était jamais fatiguée. Avant, son papa emmenait sa fille au foot et lui montrait comment conduire une voiture. Avant, Manon n'avait pas le doit d'avoir un téléphone ni de se vautrer sur le canapé en buvant du jus d'orange à même la bouteille. Depuis un certain jour, plus rien n'est pareil. Un jour qui a ressemblé à une nuit. « Aujourd'hui Papa est pendu au poirier au fond du jardin. » Une phrase terrible qui a changé le cours des choses, une phrase de la teneur du fameux incipit de L'étranger. Sauf que Manon n'est pas Meursault. Loin d'être indifférents, sa mémoire et son cœur à elle sont perméables au malheur. Ne la secouez pas, elle est pleine de souvenirs liés à ce père taiseux mais protecteur, qui lui a appris la vie, ses grands éblouissements et ses petits chagrins. Il l'avait une fois appelée « mon petit œuf » parce qu'il venait de lui montrer une fourmilière et il l'avait aussi emmenée sur les lieux où il passait le plus clair de ses journées, l'usine. Puis cette même usine n'a plus voulu de lui et le père a dévissé. Il s'est mis à faire des sudokus du matin au soir et à devenir irritable. Pour Manon, plus rien ne ressemble à rien, ni le collège, ni la maison, ni même les amis. Et pourtant la vie va revenir, refleurir comme une mauvaise herbe têtue. « La joie venait toujours après la peine », le poète l'avait bien dit. Avec un sujet aussi difficile, Sébastien Joanniez réussit le tour de force de livrer un roman puissant mais pudique, où chaque phrase fait mal parce qu'elle sonne vrai.

Sébastien Joanniez
Des jours comme des nuits
Rouergue
Tirage: 2 100 ex.
Prix: 11,50 € ; 96 p.
ISBN: 9782812625756

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