Les premiers Européens à se lancer dans l’aventure de l’outre-mer vers « les Indes » furent les Portugais et les Espagnols. Les Anglais, les Hollandais y vinrent ensuite - la Pondichéry « moderne », à l’origine, tout comme Yanaon étaient des établissements bataves -, et même les Danois, dont le comptoir de Tranquebar, non loin de Karikal, porte encore la mémoire. La France, elle, en dépit de quelques tentatives dieppoises au XVIe siècle, était en retard sur ces rivales.
C’est à Colbert que l’on doit en 1664 la création de la première Compagnie des Indes orientales. Il lui offre en 1666 un port dédié, en Bretagne : L’Orient qui deviendra Lorient. Sous des dénominations et avec des fortunes diverses, l’aventure se prolonge durant cent trente ans, jusqu’à ce 27 août 1793 où l’Assemblée nationale, en pleine terreur robespierriste, décide de liquider la Compagnie.
C’était, pour des raisons idéologiques, parce que la Compagnie enrichissait ses actionnaires - l’Etat surtout : elle avait été pensée pour cela par le ministre de Louis XIV -, rayer d’un trait de plume un siècle et demi d’histoire et laisser le terrain dégagé, en Inde, à l’Angleterre. Car, bien vite, pour presque tous les Européens, l’aventure économique s’était politisée, et chaque puissance avait fondé en Inde des « loges » commerciales, devenues des comptoirs, puis de véritables cités. Comme Pondichéry, vaisseau amiral des Comptoirs français jusqu’à 1954 et sa restitution à l’Inde indépendante. D’où des guerres à répétition, des destructions et des pillages, de part et d’autre. Et ce moment, aussi étonnant que fugace, où, vers 1750, la Compagnie des Indes orientales, bras armé de la France représentée par Dupleix et Bussy, régnait, alliée à nombre de potentats locaux, sur la moitié de l’immense sous-continent. Et l’on se prend à rêver de ce qui se serait passé si les chefs d’Etat français, à l’instar de Louis XIV, avaient maintenu leur soutien à la Compagnie. L’Inde, il se peut, serait aujourd’hui francophone.
C’est cette saga riche et tumultueuse que raconte Les Compagnies des Indes, sous la direction de René Estienne, sous la forme d’un album illustré de documents d’époque, avec des spécialistes et l’appui du Service historique de la Défense et du musée de la Compagnie des Indes, à Lorient, et de la DMPA du ministère de la Défense.
J.-C. P.