Avant-critique Roman

Retour à l'Hotel Overlook. Relire Shining aujourd'hui (initialement publié chez Lattès en 1979 sous le titre L'enfant lumière), surtout dans l'admirable nouvelle traduction de Jean Esch, c'est redécouvrir un texte majeur comme débarrassé de ce que l'on croyait en savoir. En cause bien sûr, le film de Kubrick, presque unanimement loué (à l'exception notable du romancier lui-même qui le détesta avec ferveur...), mais qui en a imposé comme une grille de lecture. Ce que regrette aussi Delphine de Vigan dans sa très brillante préface pour cette nouvelle édition, déplorant à propos de Jack Nicholson : « Il me semble que le visage de l'acteur s'est imprimé dans notre inconscient collectif comme résumant à lui seul ce huis clos. » Or, Shining, c'est vraiment beaucoup plus que cela. C'est à la fois un grand roman (le troisième de son auteur) naturaliste et un cauchemar peuplé de fantômes, de colères, de souffrances trop longtemps tues et d'une famille dysfonctionnelle... Il est peut-être là le cœur battant du livre, dans cette lutte d'un homme envahi par ses démons, son alcoolisme, et désireux de sauver son mariage et protéger son fils. À bien y regarder, par l'ampleur de son souffle romanesque, King est sans doute le Dickens de notre temps, le témoin des monstres tapis en chacun. Et l'hôtel Overlook, les étendues glacées du Colorado sont les manifestations d'un monde désert, sans Dieu, où errent les hommes. Jusqu'à la folie et la mort.

Stephen King
Shining
Lattès
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 25,90 € ; 448 p.
ISBN: 9782709672566

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