Mauvaise connexion. À l'aéroport international du Kansai, Jake a manqué le dernier appel pour l'embarquement et se voit refuser l'accès à l'appareil. « Mais l'avion est toujours relié à la passerelle », précise d'un ton aussi calme que comminatoire une femme dans le même cas que lui. Plaidant leur cause, la voyageuse aux allures d'executive woman ne réussit pas à faire plier l'hôtesse. Les deux personnages du roman d'horreur de Susan Barker, L'étreinte des ombres, vont devoir rester une nuit de plus à Osaka. La prénommée Mariko invite son compagnon d'infortune à venir dîner avec elle. L'alcool aidant, Mariko confie qu'elle est une femme froide, incapable d'aimer les hommes qu'elle trouve tous mendokusai, « une source d'ennuis »... Jake, embarrassé, ne juge pas. Vient ensuite l'explication. Trop absorbée par sa carrière, Mariko a négligé son jumeau, Hiroji, aujourd'hui décédé, dont elle avait été si proche enfant, et alors qu'il était sa seule famille après que le frère et la sœur eurent perdu leurs parents pendant leur vingtaine. Un jour, Hiroji l'a appelée en pleine nuit pour lui annoncer qu'« il avait pénétré l'esprit d'un dieu appartenant à une dimension supérieure »... Ce dieu « avait déplacé ses entrailles à l'intérieur de son corps », a-t-il ajouté avant de parler de « sacrifices ». Et d'évoquer une femme étrange qu'il a rencontrée : en aucun cas, Mariko ne devait lui ouvrir lorsqu'elle essaierait de se présenter à elle. Viscères inversés, visite d'une inconnue au charme démoniaque... Les circonstances sont identiques à celles de la mort de Lena, l'amie de Jake. Choqué, ce dernier décide de mener l'enquête. Ou plutôt, poursuit une quête qui lui fait traverser les fuseaux horaires : Berlin, le pays de Galles, le Nouveau-Mexique... et où s'enchevêtrent les témoignages de Sigrid, Bedwyr, Szófi, Jürgen, Rosa... Ces différentes voix apportent chacune un morceau d'un puzzle à la fois énigmatique et terrifiant - portrait chinois d'un monstre aux multiples identités et à la séduction polymorphe.
L'écrivaine britannique née d'un père anglais et d'une mère sino-malaisienne renverse le cliché du serial killer mâle et de ses pauvres victimes féminines. Ici, la créature maléfique est une femme qui tue. Susan Barker ourdit une magistrale fiction de literary horror- le genre gothique revisité où le mal, diffus, est l'essence même du réel plutôt qu'incarné par un quelconque assassin qu'on puisse concrètement appréhender. Un réseau de récits qui, tel un filet, se resserre sur l'enquêteur et nous piège, pleins d'effroi.
L'étreinte des ombres
Dalva
Traduit de l’anglais par Valentine Leÿs
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 23,50 € ; 528 p.
ISBN: 9782487600119