15 mai > Poésie France

Grâce à l’inlassable activité de sa femme Lucie, l’œuvre du poète Eugène Guillevic (1907-1997) n’a pas cessé de vivre. Elle veille sur ses nombreux livres parus et connus, depuis son premier recueil publié, Terraqué (1942), salué par son ami Paul Eluard. Mais elle mène également de nombreux projets nouveaux : ainsi, presque chaque année depuis 1997, sont parus des livres d’artiste, poèmes de Guillevic accompagnés de gravures, de dessins, par des créateurs qu’il estimait, dont il appréciait le travail et à qui il avait donné son accord. Des ouvrages de luxe, tirés à un petit nombre d’exemplaires, donc difficilement accessibles au grand public, tels que Guillevic en a signé durant toute sa vie. Après Relier, paru en 2007, voici donc, avec Accorder, un deuxième recueil, une édition originale collective, comme on dit en bibliophilie, qui rassemble ce que Lucie appelle « trente-cinq nouvelles pièces de la demeure Guillevic ».

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Le recueil n’est pas composé chronologiquement, c’eût été schématique et fastidieux. Lucie, qui connaît son Guillevic par cœur, a préféré se fier à son intuition, aux affinités qui émanent des textes eux-mêmes entre eux et par-delà le temps, puisqu’ils courent de 1933, soit des tout débuts du poète, jusqu’à la fin de 1996, soit quelques mois avant sa mort. Naturellement, entre le Chant d’un mourant et son lyrisme philosophisant à la première personne, et les espèces de haïku épurés qui ont été, durant la plus grande partie de sa carrière, la marque de fabrique de Guillevic, son signe distinctif, il y a de la marge. De même avec ces sonnets des années 1957-1958, dédiés à ses amis André Frénaud, Jean Follain, Jean Tardieu. Tous des poètes, comme lui, comme ses autres auteurs de prédilection, salués ici : Roger Caillois, Jean Tortel, Max Jacob, Yvon Le Men pour les contemporains, et Ronsard pour les glorieux aînés.

Mais ce qui frappe dans l’œuvre de Guillevic, c’est ce côté compact, massif. « A la base/Je le répète/Le minéral », écrivait-il en 1976. Ce poète qui ressemblait à un druide, à un menhir, sculptait des stèles délicates et les plaçait dans la nature, en harmonie avec le grand tout. « La terre :/ Notre honneur », notait-il en 1987. Homme du monde, Guillevic a voué sa vie aux mots, avec lesquels il n’hésitait pas à jouer, réinventant pour Lexiquer (1978-1979) un alphabet farfelu. On connaît son goût pour les titres à l’infinitif, marmoréens. Homme de pierre, de terre et d’eau, le dernier poème de ce Breton transplanté en Alsace est consacré à Carnac et à ses « traces du vieil ordre ». Il est extrait de son ultime recueil anthume, Présences terraquées, qui bouclait la longue boucle ouverte avec Terraqué. Admirable cohérence. J.-C. P.

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