FRÉDÉRIC KAPLAN vient d'être nommé à la tête du laboratoire d'humanités digitales créé cet été par l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, premier du genre en Suisse. Ce domaine novateur, que le chercheur de 38 ans définit comme "la rencontre des sciences humaines et sociales et de l'informatique", est encore "essentiellement dominé par les Etats-Unis. Mais on arrive à une charnière : il y a une carte européenne à jouer. Mon équipe se structure autour de challenges techniques en collaboration avec des universitaires de différentes disciplines". Ingénieur, docteur en intelligence artificielle, Frédéric Kaplan a fait de la recherche fondamentale sur le livre électronique au Sony Computer Science Laboratory de Paris pendant dix ans, avant de revenir dans le monde universitaire voici six ans (1). Il a aussi fondé l'entreprise d'édition numérique Bookapp.com. Reconsidérer l'histoire du livre avec de nouveaux outils comme de très grandes bases de données, l'aborder par le biais de la technique de l'objet, comprendre les dynamiques qui sont à l'oeuvre... C'est un de ses axes de recherche à Lausanne. Désireux de "redonner la notion du temps long", il étudiera "la bataille entre la forme encyclopédique, avec extension du contenu, mise à jour permanente, et le livre comme un objet fermé, un volume en 3 dimensions dans lequel on bloque un contenu autonome qui amène le lecteur dans un trajet. On est aujourd'hui face à quelque chose dont la logique peut avoir une ancienneté. Ce n'est pas l'opposition entre le papier et le numérique, mais entre la forme ouverte et la forme fermée du livre". Passionné et passionnant, très didactique, il souhaite aussi "démystifier les choses et surtout armer le citoyen, lui donner des éléments pour comprendre les processus techniques".

(1) Voir les entretiens avec Frédéric Kaplan dans LH 648, du 2.6.2006, p. 72-75, et dans LH 787, du 4.9.2009, p. 82-84.