Bilan SNE 2024

L’édition résiste dans un contexte difficile

Dans les allées du Festival du livre de Paris 2025 - Photo Olivier Dion

L’édition résiste dans un contexte difficile

Dans une conjoncture économique délicate, le marché du livre affiche des résultats en léger retrait en 2024 (-1,5 %), selon les données consolidées du Syndicat national de l’édition, mais toujours supérieurs en valeur à 2019 (+ 3,4 %), grâce notamment à la performance de la littérature, du roman policier et à la résistance du format poche.

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Par Éric Dupuy
Créé le 26.06.2025 à 10h00

L'industrie française de l'édition affiche en 2024 des résultats en léger retrait, avec un chiffre d'affaires des éditeurs qui s'établit à 2,902 milliards d'euros contre 2,945 milliards en 2023, soit une baisse de 1,5 %, selon les chiffres consolidés du Syndicat national de l'édition (SNE) publiés ce jeudi 26 juin (la synthèse est disponible en document partagé à gauche de l'article). Cette contraction reste néanmoins modérée si l'on considère le contexte économique général et les défis auxquels fait face le secteur.

La littérature, moteur de croissance dans un marché en berne

Plus préoccupante apparaît la diminution du volume des ventes, avec 426 millions d'exemplaires écoulés en 2024 contre 439,7 millions l'année précédente (-3,1 %). Cette différence entre la baisse en valeur et en volume traduit la capacité du secteur à maintenir ses prix dans un environnement inflationniste, l'Insee enregistrant une hausse de 1,4 % du prix des livres en 2024.

Replacés dans une perspective plus large, ces chiffres révèlent la solidité du marché français du livre. Comparé à 2019, année de référence pré-pandémique, le secteur affiche une croissance de 3,4 % en valeur, malgré un recul de 2,1 % en volume. En 2024, le poids en charge des droits d’auteur a très légèrement augmenté de 0,1 % à 521,6 millions d'euros, qui ont représenté en moyenne, selon le calcul du SNE, 11 % du prix public hors taxes (ppht) contre 10,7 % en 2023.

 
 

L'analyse sectorielle révèle des dynamiques contrastées. La littérature se distingue comme le seul segment en croissance avec une progression de 5,7 %, portée par le dynamisme de la romance et le succès des nouveautés en romans policiers. Ce secteur, qui représente 24 % du marché total, bénéficie également de la bonne santé du format poche.

Le format poche se maintient

Avec 425,4 millions d'euros de chiffre d'affaires et 111,8 millions d'exemplaires vendus, le format poche conserve son poids dans l'économie du livre (15,4 % en valeur, 26,2 % en volume). La littérature générale domine ce segment avec 251,7 millions d'euros, soit près de 60 % du marché poche.

Hors manga, le format poche progresse même de 1 % en valeur, confirmant son rôle d'amortisseur dans un marché en contraction.

Car tous les autres segments accusent des baisses significatives. Les bandes dessinées, comics et mangas subissent la plus forte contraction (-10,1 %), suivis par les sciences et techniques (-9,6 %) et les ouvrages de documentation (-7 %).

Une production éditoriale rationalisée

Dans ce contexte, les éditeurs français ont poursuivi leur politique de rationalisation de la production. Le nombre de nouveautés a diminué de 1,6 % pour s'établir à 36 232 titres, soit un niveau inférieur même à celui de 2020, année de crise sanitaire. Sur cinq ans, cette production a chuté de 18,9 %.

Cette stratégie s'accompagne d'une réduction des tirages moyens, qui passent de 7 034 à 6 855 exemplaires pour les nouveautés (-2,6 %). Parallèlement, les réimpressions progressent de 2,8 % avec 69 452 titres, portées par les techniques d'impression à court tirage et une meilleure gestion des stocks.

Le numérique et les cessions en baisse

Le marché de l'édition numérique peine à trouver son rythme de croisière, enregistrant une baisse de 1,6 % avec 278,6 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cette contraction masque toutefois des évolutions sectorielles divergentes : la littérature numérique progresse de 8,5 %, tirée par la romance et la science-fiction, tandis que le grand public hors littérature chute de 17,1 %. Le segment professionnel et universitaire demeure prépondérant avec 67,2 % du marché numérique total, grâce notamment aux bases de données juridiques et médicales.

Le nombre total de contrats de cessions de droits et coéditions s'établit à 14 265 en 2024, en recul de 2,6 % par rapport à 2023. Cette baisse globale masque des dynamiques opposées : si les cessions de droits reculent de 4 %, les coéditions progressent de 6,1 %, témoignant d'une adaptation des modèles économiques.

La Chine, longtemps premier partenaire de la France à l'international, confirme son décrochage avec une chute de 33 % du nombre de contrats depuis l'avant-crise sanitaire. À l'inverse, l'espagnol s'impose maintenant comme première langue de traduction avec 1 603 contrats, devançant l'italien, le chinois, l'allemand et l'anglais.

La bande dessinée conserve sa position de leader à l'export avec 3 689 cessions (30,1 % du total), suivie par la jeunesse (2 619 titres, 23,8 %) et la fiction (2 026 titres). Ces trois catégories représentent près de 70 % des titres cédés.

Commerce extérieur : stabilisation après reprise

Les exportations de livres français affichent un léger recul de 1,2 % à 694,2 millions d'euros en 2024, après avoir franchi le seuil des 700 millions en 2023. Cette quasi-stagnation masque une réelle reprise sur le long terme (+ 4,1 % par rapport à 2019) et maintient la part de l'export à 19 % du chiffre d'affaires global de l'édition française.

La géographie des échanges révèle cependant des tendances structurelles mouvantes. Si la francophonie du Nord conserve 64 % des exportations (Belgique, Suisse, Luxembourg et Canada représentant 53,9 % du marché global), la francophonie du Sud accuse un net repli de 10,4 %. L'effondrement du marché algérien (-75 % depuis 2014) symbolise les difficultés rencontrées sur ces marchés autrefois dynamiques.

L'Afrique francophone subsaharienne (-8,6 %) et l'Amérique latine (-21 %) confirment leur volatilité, tandis que les marchés européens peinent toujours à retrouver leurs niveaux pré-2020, avec une baisse moyenne de 10 % sur la période 2015-2020.

Traductions : domination anglo-japonaise renforcée

Le marché français des traductions connaît une dynamique inverse avec 13 262 titres traduits en 2024 (+ 9,2 % par rapport à 2023), représentant 18,8 % de la production totale. L'anglais maintient sa domination avec 58 % des titres traduits (7 703 titres), tandis que le japonais confirme sa progression à 19,5 % (2 581 titres), principalement porté par le succès continu des mangas. Six langues représentant 90,5 % des traductions.

L'émergence de l'intelligence artificielle et ses impacts sur la traduction, le développement des droits audio en langues étrangères, et la nécessité d'explorer de nouveaux marchés (Chine, Inde, pays européens hors UE) constituent autant d'enjeux pour 2025.

Malgré un appel à données les années précédentes, le SNE n’intègre toujours pas de données sur le marché du livre audio en France, que le géant Spotify semble avoir bouleversé après son entrée surprise en novembre 2024. Un secteur promis à une belle croissance salutaire.

Dans cette conjoncture difficile qui accompagne la baisse de la lecture en France telle que constatée par la dernière étude du CNL présentée en avril dernier, le principal représentant des éditeurs lance cette année des initiatives pour retourner la dynamique économique, avec notamment une campagne nationale d’affichage et la sensibilisation des pouvoirs publics à certains enjeux de la filière, tels que l’explosion du marché de l’occasion ou l’émergence des LLM (large language model).

 

Un engagement environnemental renforcé

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