7 janvier > Roman France

Marie Redonnet- Photo DR

La trop rare Marie Redonnet, sauf erreur ou omission, n’avait rien publié, depuis Diego, roman paru aux éditions de Minuit en 2005. Romancière, depuis Splendid Hôtel (Minuit, 1986), elle écrit aussi des pièces de théâtre, Tir & Lir ou Mobie-Diq (les deux chez Minuit, en 1988). C’est ce double talent qu’elle rassemble aujourd’hui dans La femme au colt 45, opus qu’on pourrait qualifier, pastichant Aragon, de "Théâtre/Roman", et qui explique sa forme assez particulière.

Le texte, court, se présente dans une alternance de passages narratifs généralement brefs, à la troisième personne, où "elle", l’héroïne, Lora Sander, agit, mais qui ressemblent souvent à des indications de mise en scène : "Prise d’une colère soudaine, elle se met à crier en marchant dans tous les sens", ou "Elle enlève la dernière robe qu’elle a essayée. Elle la jette par terre". Mais l’essentiel est constitué, à la première personne, par le récit des aventures et mésaventures de cette femme, actrice vedette du Magic Theâtre d’Azira, la capitale de l’Azirie, un petit pays balkanique imaginaire devenu une dictature fanatique aux ordres du général Rafi. Son mari, Zuka (puis, plus tard, Zuca : coquille ou perte de mémoire ?), est dramaturge et directeur du théâtre, qui vient d’être arrêté avant d’avoir pu s’enfuir. Leur fils, Giorgio, a rejoint la résistance clandestine. Lora a pu partir, avec son argent, ses bijoux, son colt 45, et franchir le fleuve qui sépare l’Azirie de la Santarie voisine. Non sans peine : passeurs, trafiquants de toutes sortes prolifèrent. Elle croise, dans un gîte, l’écrivain Emy Spencer et son amoureux Samir Osri, un auteur de théâtre opposant résolu à la dictature, en cavale et objet d’une fatwa. Enfin, après avoir été violée par un camionneur qui l’a prise en stop (mais elle avoue qu’elle était consentante et y a pris du plaisir), elle parvient à Santaré, la capitale, pour constater que la Santarie subit une guerre féroce entre milices rivales.

Nonobstant, c’est là qu’elle choisit de refaire sa vie. D’abord serveuse dans un camion-pizzeria tenu par un Roumain devenu infirme à Karachi, un vieux pervers qui mourra vite, puis complice involontaire d’une prise d’otages (l’un des kamikazes lui a dérobé le colt 45, qu’elle emporte partout avec elle), elle finira par rejoindre l’Arche de Noé dans l’île aux Oiseaux, une troupe de jeunes comédiens qu’elle décide d’aider, de diriger. Enfin libre, elle ne rejoint pas Zuca dans l’Azirie libérée, à une heure d’avion. Giorgio approuve cette émancipation égoïste, comprenant que sa mère s’est enfin trouvée. Ecriture blanche, voire "plate", univers onirique : c’est original, durassien (même le nom de l’héroïne), très réussi. Jean-Claude Perrier

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