Les frères Bogdanov ont fait condamner, le 14 mars dernier, un astrophysicien qui avait publié sur internet une version de travail de leur thèse. Alain Riazuelo entendait ainsi commenter le travail   « scientifique » des célèbres jumeaux. Mal lui en a pris, car les thèses, quelle que soit leur qualité, sont indéniablement protégées. L’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que « les écrits scientifiques » « sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit. Dès 1907, le Tribunal civil de la Seine s’est prononcé en faveur de la protection d’une thèse de médecine. Depuis lors, tous les genres de la littérature universitaire ont été examinés par la jurisprudence. Un mémoire de doctorat en gestion a accédé au statut d’œuvre de l’esprit couverte par le droit d’auteur à la faveur d’une décision rendue par la Cour d’appel de Paris, en 1975. Son rédacteur poursuivait un ouvrage contrefaisant ses travaux, dont la publication découlait de la remise d’un prix par une entreprise du secteur concerné. Cette affaire a donné l’occasion aux magistrats de sanctionner solidairement cette société, car elle avait commis une grave négligence en ne procédant pas à un travail de vérification. L’éditeur de la contrefaçon a en revanche réussi à plaider sa bonne foi… De même, en 1988, le Tribunal de grande instance de Paris a rappelé qu’un article résumant une thèse de doctorat ne peut juridiquement exister que sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre première, c’est-à-dire du thésard. Tous les observateurs autorisés soulignent cependant les contradictions entretenues entre la nécessaire rigueur de la recherche scientifique et le Code de la propriété intellectuelle. Ce dernier exige en effet qu’une œuvre soit originale dans sa mise en forme pour bénéficier de la propriété littéraire et artistique. C’est ainsi que les simples idées, les principes, les méthodes et autres découvertes, ne sont pas en tant que tels sujets à protection. Seule leur présentation (du style employé, à l’agencement du discours) est protégeable. En clair, et pour reprendre un exemple formulé par Georges Koumantos, si les énoncés d’un problème mathématique peuvent être protégés par le droit d’auteur, il n’en est pas de même pour leur solution. Il existe donc, comme l’a résumé Xavier Strubel   à propos de La Protection des œuvres scientifiques en droit d’auteur français (CNRS éditions), « u ne inadéquation entre leur originalité réelle qui se situe au fond et l’exigence juridique qui postule uniquement une caractérisation de leur originalité formelle ». Reste l’action en concurrence déloyale pour le cas où les données scientifique qui sont pillées ne remplissent pas la condition d’originalité. Le Tribunal de grande instance de Paris a jugé sévèrement, en 1999, un directeur de thèse au profit d’un de ses étudiants. Cet enseignant « a utilisé pour la rédaction de son livre de très nombreux passages et tableaux des publications précédentes, sans en modifier ni la présentation , ni le contenu, ni la rédaction : (…) son ouvrage apparaît comme un collage : (…) il reproduit servilement les documents utilisés non comme une source mais comme la matière même de la publication ». Les juges en concluent que « cette pratique constitue une faute de parasitisme ». Enfin, rappelons que le droit moral, qui se traduit notamment par un droit de divulgation, permet à l’auteur et à ses ayants droit d’empêcher la publication de textes inédits. Un étudiant en doctorat avait obtenu l’autorisation d’utiliser la correspondance de Romain Rolland à Stephan Zweig pour sa thèse. La Cour d’appel de Paris a approuvé, en 1973, la veuve qui a fait saisir l’ouvrage de librairie que le thésard en avait par la suite tiré.  
15.10 2013

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