Olivier Douzou

Touzazimute

Olivier Douzou - Photo olivier dion

Touzazimute

Editeur pour la jeunesse au Rouergue, scénographe pour le Salon de Montreuil, designer pour le chef Michel Bras… Olivier Douzou est un homme-orchestre, aux pieds bien plantés dans le terroir rouergat. Portrait à l’occasion des 20 ans du Rouergue Jeunesse.

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Par Claude Combet
avec Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 12.10.2013 à 08h46

La veille de ma rencontre avec Danielle Dastugue, j’avais tellement picolé dans un pub que j’ai pris de l’aspirine et qu’un vaisseau de l’œil a éclaté. Elle m’a renvoyé chez moi. Cela fait vingt ans que je ne prends plus d’aspirine et que je n’ai plus mal à la tête. » D’emblée, Olivier Douzou, fondateur du Rouergue Jeunesse en 1993, ne veut pas être sérieux.

Olivier Douzou est arrivé à l’édition par hasard. Passionné par le dessin depuis qu’il est tout petit, ce graphiste génial a une formation d’architecte par défaut. « Je voulais entrer dans une école d’art, Estienne, Duperré, ou Olivier de Serres. Je n’ai pas été reçu à l’écrit et je n’ai pas pu passer l’oral », raconte-t-il en ajoutant, goguenard : « Parce que ça existe un oral de dessin ! » Le Rouergat descend donc à Montpellier faire des études d’architecture (1982-1987), tout en « dessinant des maisons particulières et corrigeant les plans de [ses] copains… comme tous les architectes », et en travaillant comme graphiste pour des agences. Il poursuit dans cette voie et passe quatre ans chez Agora 21 (de 1989 à 1992) et six mois chez Design Strategy. Aujourd’hui, il continue à dessiner des couteaux et autres objets pour Michel Bras, le chef ruthénois.

«

Compète

».

Olivier Douzou est aussi scénographe depuis 1997 pour le Salon du livre de jeunesse de Montreuil et ses expositions. « J’ai toujours travaillé sur différents supports et chacun d’entre eux m’a aidé pour le livre », commente- t-il, en insistant sur le travail d’équipe. C’est avec cette équipe qu’il prépare l’exposition sur les héros pour le prochain Montreuil et a gagné une « compète » pour l’exposition sur Spirou qui aura lieu au musée de la BD d’Angoulême en juillet.

L’aventure avec les éditions du Rouergue s’est déroulée entre « pays ». En vacances à Rodez, chez ses parents, muni de la maquette de son premier livre, il demande à Danielle Dastugue, des « tuyaux » sur l’édition enfantine. Conquise par Jojo la mache, une drôle de vache devenue emblématique de la maison, Danielle Dastugue lance le Rouergue Jeunesse, et lui réclame un autre album six mois plus tard. Parce qu’elle lui affirme que la mythologie est un thème qui plaît aux enfants, il écrit Momo le cyclope. Suivront Yoyo l’ascenseur et une cinquantaine de titres comme auteur et-ou illustrateur, dont On ne copie pas, illustré par Frédérique Bertrand, qui remporte un BolognaRagazzi en 1998.

A la fin de 1993, elle lui demande de piloter le Rouergue Jeunesse, depuis Rodez, alors qu’il ne connaît « personne dans l’édition, ni dans l’illustration ». Ce qu’il fera jusqu’en 2001, publiant Frédérique Bertrand, José Parrondo, Jochen Gerner, Natali Fortier, Anouk Ricard, Charlotte Mollet, Christian Voltz, lançant la collection « Touzazimute », et imaginant les couvertures des collections de fiction dirigées par Sylvie Gracia. « Danielle Dastugue m’a fait une confiance totale. J’étais libre et je publiais ce qui me paraissait nouveau et digne d’être édité. J’ai eu de la chance. »

En 2001, il quitte le Rouergue. « Parce qu’on avait des objectifs différents, Danielle Dastugue et moi. Elle était dans une logique de développement. » Il part fonder en 2002 L’Ampoule avec Christian Dubuis-Santini et Joseph Jacquet, « un projet collectif qui n’a pas fonctionné et n’a duré que huit mois ».

Il rencontre ensuite les éditions Memo, qui lui ont « permis de renouer avec le travail d’auteur et la conviction qu’on doit justifier la publication d’un livre ». Il y publie sept titres, dont Play en 2007, le catalogue de l’exposition de Montreuil. En 2011, il contacte le Rouergue et reçoit une liste de titres du catalogue « à garder ou à pilonner ». L’amateur de jeux de mots écrit à Thierry Magnier, qu’« un titre comme Va-t-en mérite de disparaître… ». En réponse, le directeur du pôle jeunesse d’Actes Sud lui propose de réintégrer la maison pour s’occuper des albums. « J’ai trouvé que c’était ce qu’il y avait de plus ambitieux et de plus audacieux à faire », explique-t-il.

Olivier Douzou ne transige pas. Revendiquant le terroir - « Moi, j’ai choisi, je préfère les vaches » - et ses origines modestes - « Le monde ouvrier est un monde droit, rigoureux, qui permet d’apprécier beaucoup de choses aujourd’hui » -, c’est un éditeur exigeant, qui porte autant d’attention à l’image, porteuse de sens, qu’au texte, jouant avec les deux. « Un album est intéressant s’il raconte quelque chose et propose un espace à son lecteur. Les albums frontaux ne m’intéressent pas », déclare-t-il. « J’apprécie chez lui cette capacité à nous faire entrer dans ses histoires, quel que soit le support qu’il utilise, du livre à la scénographie, à la peinture ou à l’ordinateur : cela tient à ses qualités de bâtisseur », commente Sylvie Vassallo, directrice du Salon de la presse et du livre jeunesse de Montreuil.

Risques.

Il s’est lancé dans le numérique avec la même bonne humeur et « sans a priori ». Fourmi, l’application développée avec Opixido, qui devrait être disponible sur l’App Store ces jours-ci, lui a permis d’utiliser « toute une palette de techniques : la lumière, le son, l’inclinaison, le souffle, la rapidité. C’est comme dessiner des couteaux ou des lunettes, s’enthousiasme-t-il. Elle me condamne à une forme d’intelligence complémentaire et oblige le lecteur à cette intelligence supplémentaire », constate-t-il, en annonçant qu’il «revisite Jojo la mache pour l’anniversaire de la maison [en lui donnant] une fille : ce sera le même thème traité avec des moyens différents, papier et numérique ».

Humour et détermination n’empêchent pas le doute « avant chaque publication ». « Le métier consiste à prendre des risques. Je suis fier des albums qui ont jalonné l’aventure du Rouergue et qui durent comme Jojo la mache, Toujours rien de Christian Voltz ou Loup. Quand on voit le fonds se vendre, on sent que la maison existe », explique-t-il. « Il a des idées très arrêtées, mais il sait être à l’écoute et se rapprocher des autres », ajoute Sylvie Vassallo.

Olivier Douzou est avant tout un grand sensible qui raconte avec humilité sa rencontre pour l’album Navratil avec le protagoniste : « Michel Navratil était un vieux monsieur de 92 ans, un survivant du Titanic, professeur de philo, qui s’était trimballé avec son livre pour enfants sous le bras sans trouver d’éditeur. Il m’a dit : “C’est incroyable, M. Douzou, comme vous connaissez l’épaisseur de la vie.? Mais je n’avais fait que raconter son histoire… » <

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