13 avril > Récit France > Anne Vallaeys

Anne Vallaeys est une militante passionnée de l’agro-pastoralisme. Dans Le loup est revenu (Fayard, 2013), une enquête plaidoyer, la journaliste et écrivaine posait les termes du débat complexe qui déchire les pro- et les anti-loups, s’engageant clairement du côté des éleveurs, gardiens traditionnels de l’équilibre des écosystèmes. Canis lupus s’invite très vite dans les conversations au cours de cette marche dans les Hautes solitudes provençales que la randonneuse a entreprise, en compagnie d’une amie de sa fille, un jour de fin mai sur la "Routo mythique que brebis et meneurs de troupeaux empruntaient jadis pour gagner les alpages". D’Arles jusqu’au Lavercq, la haute Ubaye, dans les Alpes de Haute-Provence, les deux marcheuses vont parcourir 283 kilomètres en vingt jours. Elles suivent la feuille de route dessinée par les animateurs de la Maison de la Transhumance, ces amoureux de la "Grande Carraire des Provences", qui, à l’heure où les brebis sont transportées en bétaillère sur les lieux d’estive, tentent de retrouver le tracé oublié des "carraires, ces chemins antiques, larges de cent mètres parfois, qui permirent aux pâtres, au fleuve des brebis d’Arles et de Crau de s’ébranler des plaines pour gagner le paradis frais des pelouses alpines".

La progression des deux transhumantes sans bêtes est calquée sur le rythme archaïque des troupeaux, 3 à 4 kilomètres/heure. Anne Vallaeys "marche sans autre ressource que les sens", laissant la lecture des cartes à sa jeune coéquipière. Chemin faisant, elle rappelle au lecteur les temps glorieux de la "Grande transhumance", quand, à la fin du XVe siècle, les 34 000 têtes regroupées de quinze troupeaux étaient menées vers l’Ubaye par trois itinéraires, sous "la houlette de Noé de Barras, "maître du bel art"".

Le soir à l’étape, tandis que les habitants, souvent bergers ou anciens bergers, accueillent les randonneuses et partagent avec elles leurs souvenirs, l’écrivaine se plonge dans Histoire naturelle de la Provence (1784) du médecin botaniste Michel Darluc. Et l’hommage à la geste pastorale qu’elle trousse emprunte beaucoup à l’observation méticuleuse et enchantée du naturaliste des Lumières. Le Giono du Serpent d’étoiles n’est pas loin non plus.

Véronique Rossignol

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