Belgique

Tribune : Frontières poreuses, par Pierre Maury

Tribune : Frontières poreuses, par Pierre Maury

A la veille de la Foire du livre de Bruxelles, Pierre Maury, critique littéraire au Soir, rappelle les liens entre littératures française et belge, mais aussi le déséquilibre dans l'économie du livre entre les deux pays.

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avec Créé le 09.02.2015 à 18h35

"La semaine dernière, Caroline Lamarche faisait la une du Monde des livres. Elle est belge et publie à Paris, comme tant d'autres écrivains de chez nous. Mais, à la fin de l'année dernière, le prix Rossel, étalon annuel de la littérature belge de langue française, a été attribué au premier roman de Geneviève Damas édité par Luce Wilquin. C'était la première fois depuis 1994 que le prix n'allait pas à un ouvrage publié en France.

La frontière entre nos littératures est poreuse, depuis longtemps. Et l'édition française occupe une belle place sur les tables des libraires comme dans le coeur des lecteurs. Les cinq meilleures ventes chez le libraire sollicité par Le Soir la semaine dernière sont des livres de Daniel Pennac, Sylvain Tesson, Antonio Muñoz Molina et Barbara Constantine. Gallimard, Seuil et Calmann-Lévy. Et Geneviève Damas, déjà citée. Ce n'est plus une cohabitation, c'est une occupation ! Pas trop gênante ici au demeurant, puisque les écrivains belges ne sont pas plus mal traités que les autres par l'édition française. Demandez à Amélie Nothomb ce qu'elle en pense, par exemple.

Le problème, si problème il y a, ne réside pas dans la capacité des écrivains belges à séduire éditeurs et lecteurs français. Ils ne sont ni moins bons ni meilleurs. Mais dans la question de la visibilité des éditeurs du petit royaume hors de leur territoire, particulièrement en littérature. Car un roman, qu'il soit situé à Marche-en-Famenne, à Dunkerque ou à Macondo, est susceptible de franchir les frontières sur la vague de l'imaginaire, et peu importe où il a été publié. On sent bien qu'on arrive là sur le terrain délicat où les belles idées universelles n'ont plus cours, puisqu'il faudra prendre en compte les réalités économiques des grands groupes et des structures plus petites, l'efficacité de réseaux d'autant plus serrés qu'ils se constituent souvent dans la seule ville de Paris, etc.

D'ailleurs, quitte à aborder les sujets qui fâchent, pourquoi ne pas remettre sur le tapis celui de la célèbre tabelle, datant de l'époque où la monnaie était différente dans les deux pays, et qui rend toujours les livres français plus chers en Belgique ? Cette tabelle - prêchons un peu pour notre chapelle en nous excusant une fois encore auprès des libraires belges ainsi que de leurs clients - conduit les articles littéraires à fournir des informations imprécises sur le prix des livres, puisque nous reprenons le prix imprimé sur l'ouvrage, généralement inférieur au prix de vente réel."

La foire du livre de Bruxelles se déroule du 1er au 5 mars.

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