Portrait

Umberto Signoretti : l’Asie dans le sang

olivier dion

Umberto Signoretti : l’Asie dans le sang

Organisateur du festival L’Asie des livres, le bibliothécaire, en poste à la bibliothèque Charlotte-Delbo, à Paris, étudie depuis plus de vingt ans les représentations du monde asiatique dans la littérature jeunesse. Portrait d’un passionné devenu expert dans son domaine.

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 04.11.2016 à 00h32 ,
Mis à jour le 04.11.2016 à 07h50

L’Asie des livres, dont la 2e édition rassemblera, les 5 et 6 novembre à la mairie du 2e arrondissement, à Paris, plus d’une vingtaine d’éditeurs, de libraires et d’associations (1), est le fruit d’une initiative personnelle et de la passion de longue date d’un bibliothécaire. Umberto Signoretti, responsable du service jeunesse à la bibliothèque Charlotte-Delbo (Paris 2e), s’intéresse depuis plus de vingt ans à l’Asie, et plus particulièrement à la Chine.

Pour la jeunesse

Tout commence au début des années 1990 lorsqu’on demande au jeune bibliothécaire, récemment engagé à la Ville de Paris, de s’occuper du fonds chinois de la médiathèque Jean-Pierre-Melville, qui vient d’ouvrir dans le 13e arrondissement, au cœur du quartier asiatique. "Beaucoup de parents ou d’enseignants demandaient des livres pour la jeunesse sur la Chine. Je me suis alors rendu compte que ces derniers véhiculaient une image très stéréotypée, se souvient Umberto Signoretti, haute silhouette à la carrure imposante et aux manières affables. Cela m’a donné envie de faire des recherches sur la représentation de l’Asie dans la littérature enfantine, et de comprendre pourquoi les livres publiés dans les années 1950 étaient mieux documentés que les plus récents." Le bibliothécaire entreprend alors de collecter les ouvrages pour la jeunesse parlant de la Chine ou de l’Asie du Sud-Est, publiés en France ou dans les pays concernés, ramenés par des amis ou glanés par lui-même lors de ses nombreux voyages.

Sa collection, entreposée dans la maison de ses parents en Bretagne, totalise aujourd’hui plus de 5 000 titres et constitue un ensemble unique au monde. Parce que, pour lui, les voyages ne valent que par les rencontres qu’ils occasionnent, Umberto Signoretti, qui pratique depuis plus de vingt ans le mandarin, appris dans les écoles chinoises du 13e arrondissement, profite de chacun de ses déplacements pour recueillir des histoires et des contes traditionnels auprès des anciens, pour interviewer des écrivains, des illustrateurs et des éditeurs, élaborer des portraits croisés entre les auteurs de France et d’Asie. Toutes ces ressources, rassemblées sur son site Internet (2), constituent une véritable mine d’or qui lui vaut de nombreuses demandes, notamment de la part d’éditeurs et d’auteurs avec lesquels il tisse des liens privilégiés et qui sollicitent régulièrement son avis pour des projets.

Car cet homme modeste, qui se défend de faire un travail de chercheur, mais seulement "son métier de bibliothécaire en mettant en relation des personnes et des documents", est désormais repéré comme l’un des spécialistes de la question. Sa rencontre au fin fond de la Mongolie avec Lodon Tudev suscite par exemple la première traduction en français de l’un des premiers ouvrages de ce prolifique auteur pour la jeunesse, Comment j’ai découvert le monde, paru chez Borealia en 2015.

Belle reconnaissance

L’Asie des livres, la manifestation qu’il a créée l’année dernière, sans budget, simplement en fédérant les forces vives et les bonnes volontés, constitue la suite logique de cette envie de stimuler les rencontres et les découvertes, avec une place privilégiée accordée aux lancements, présentation de films inédits, aux premières traductions. Les éditeurs qui y tiennent leur stand sans bourse délier, mais à la condition expresse d’être présents eux-mêmes pour l’animer, ont plébiscité l’initiative : cette année, Umberto Signoretti, dépassé par le nombre de demandes, a dû refuser des participants. C’est une belle reconnaissance pour cet érudit autodidacte qui, ayant quitté l’école à l’âge de 11 ans, est devenu libraire à 13 ans, puis s’est tourné vers les bibliothèques parce qu’il aimait échanger autour des livres mais avait peu de goût pour le commerce.

(1) Voir LH 1102, du 21.10.2016, p. 8.

(2) www.chinedesenfants.org.

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