Roman/France 17 janvier Marie-Ange Guillaume

Quelques mois avant ses 70 ans, le 7 janvier 2014, Marie-Ange Guillaume s'est exilée à Sète pour entamer une radicale nouvelle vie dans laquelle elle a entraîné chien et chat. Mais la mer, le soleil, tout ça lui a d'abord fait plus froid que chaud. Avec le sentiment d'être piégée, d'être arrivée à une forme de terminus, la déprime l'a saisie là-bas. « Deux ans sans rien pondre, deux ans de silence, l'âme gelée. » L'écriture, l'humour, surtout, sa marque de fabrique, ont déserté ce « décor de vacances ». Puis tout est heureusement revenu, la gravité bravache et le tragique gouailleur pour vivifier ce Pars, s'il le faut, récit autobiographique qui fait comme une suite à Aucun souvenir de Césarée (Le Passage, 2014), le bouleversant tombeau écrit après la mort de sa mère et paru quelque mois avant qu'elle ne mette définitivement les voiles pour le Sud. C'est ainsi que, son autodérision retrouvée, l'écrivaine met à distance la nostalgie. Qu'elle apprivoise ce qu'elle trouve à Sète : l'ennui, la solitude, la vieillesse qui s'installe, l'éloignement de Paris, « sa ville », et le manque de ses morts aimés. Ainsi qu'elle se retourne sur le passé et comptabilise les souvenirs. Constatant qu'« elle a fait traîner sa jeunesse jusqu'à une heure indécente, et un jour d'octobre, elle a abordé la catégorie vieux-moche qui a mal partout », elle fait dialoguer le je du présent - la femme écrivaine déracinée - avec le elle de la fille qu'elle a été, « la petite fille de dix ans » qu'elle ne cessera jamais d'être. « Il faudra s'embarquer vers la mort avec un cœur d'enfant. » Ainsi qu'elle déroule la mémoire d'une vie plus affranchie qu'elle ne l'a longtemps cru, celle d'une jeune femme dans les années 60 et 70, sans plan de carrière, qui après bien des péripéties s'est retrouvée embauchée à Pilote par René Goscinny dont elle écrira plus tard la biographie.

Pars, s'il le faut est une histoire d'acclimatation où les regrets doux-amers sont constamment remis à leur place. Même si surgissent parfois les moments où l'auteure « dérape dans une espèce de panique molle, à cause du "plus jamais" ». Dans la nouvelle vie, comme dans celle d'avant, les chiens ont les premiers rôles. La cigarette et l'amitié aussi : les copains qui débarquent aux beaux jours, les amis qui sont là pour l'emmener au restaurant à une sortie d'hôpital, les habitués du « Barbleu » où elle prend ses quartiers dans cette ville qu'elle observe avec ironie et sans clichés - « le climat de Sète est tout sauf pépère » - et qui finit par lui inspirer de la tendresse. « Ça sert à ça, écrire : observer la chose et se venger - de l'ennui, de la bêtise, des emmerdeurs et même de la mort. »

Marie-Ange Guillaume
Pars, s’il le faut
le Passage
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 17 euros ; 176 p.
ISBN: 9782847424058

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