3 octobre > Premier roman France > Jocelyne Desverchère

Mystérieuse la façon dont ce bref roman, le premier de l’actrice Jocelyne Desverchère, nous accroche avec une histoire d’amour au scénario des plus banals, avec le plus trivial et rebattu des motifs ; la femme, le mari, l’amant. Première à éclairer la nuit, qui emprunte son titre à Vénus, la chanson de Gérard Manset écrite pour Bashung, est le récit rétrospectif, émotions refroidies, d’une passion simple qui s’est mal terminée. Celui qui se souvient est l’amoureux qui n’a pas été choisi à la fin. Un jeune gars né sur "l’île", à la campagne, employé dans l’administration d’un lycée de Lyon, sur le plateau de la Croix-Rousse. En ce temps-là, raconte-t-il, il a des collègues sympathiques, un directeur avec "un cœur de gourmand" et un ami proche, François, avec qui il a "découvert les putes".

Dans cette vie routinière et solitaire entre Christine, l’assistante du directeur. Il a 25 ans, elle en a 22. Elle lui plaît dès leur première rencontre. Elle est déjà mariée, bientôt (quelques pages après) mère d’une petite fille, file un gentil bonheur domestique. Il la convoite en retrait, craintif, avant de saisir sa chance le jour où il surprend par hasard dans la rue le mari avec une autre femme. Ce pourrait être une romance un peu nunuche entre modestes fonctionnaires, un vaudeville blafard, c’est une tragédie classique.

Porté par la voix du narrateur qui bouleverse la construction des phrases comme dans une confession orale directe, le roman a la force de ces histoires pleines d’ellipses, de retours à la ligne, qui ramassent des événements en quelques mots sans liaisons avant de s’attacher à des détails en apparence anecdotiques. Respectueux des sentiments des protagonistes, il ne s’aventure jamais dans l’explication psychologique. En écho à la pudeur, à la résignation de ce garçon qui tait ses états d’âme pour ne pas risquer d’effrayer celle avec qui il rêve de fonder une famille : "Je n’ai pas dit à Christine mes chagrins./J’avais peur de la faire fuir si je lui racontais mon manque d’elle."

C’est l’histoire d’un amour qui apparaît et disparaît, sans grand bruit, laissant derrière lui un enfant et quelques leçons de vie, douces-amères. "A cette époque, je ne savais pas qu’on pouvait aimer plusieurs personnes à la fois."

Véronique Rossignol

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