6 janvier > Roman France

C’est un roman kaléidoscope, à l’image de ces boules miroirs à facettes qui tournaient autrefois au plafond des salles de bal. Philippe Besson a choisi de revisiter la courte trajectoire terrestre de James Byron Dean (1931-1955), mort dans un accident de voiture sur la route de Salinas, Californie, à cause d’un certain Donald Turnupseed. Le personnage est illustre, et on a l’impression de tout savoir déjà de sa vie, de sa brève carrière : quelques pièces de théâtre, trois films dont deux sortis posthumes ! En fait, il fallait un romancier de l’envergure et du genre de Besson pour creuser l’histoire, pour la mettre en scène, la réinventer.

Usant de licence romanesque, l’écrivain fait parler les uns après les autres, à la première personne, tous les protagonistes de ce drame moderne, comme autant de revenants. A commencer par Mildred Dean, née Wilson, la mère de James. Une famille du Midwest profond qui va bouger dans l’Indiana, puis migrer vers la Californie. Tout jeune, le garçon révèle certaines caractéristiques, tant physiques que psychologiques, qui le suivront jusqu’au bout. Sa beauté d’abord, "crépusculaire", en dépit de sa tignasse blonde en pétard, sa grâce surnaturelle, même s’il est petit, un peu voûté et complètement myope, son charme ambigu, à quoi succomberont tous les êtres des deux sexes qu’il croisera sur son chemin : depuis Adeline Brookshire, sa prof d’art dramatique, laquelle diagnostique sa fragilité ("C’était du verre", dit-elle), le pasteur James Deweerd, le premier homosexuel qu’il a séduit, jusqu’à Liz Taylor, sa partenaire dans Géant. Rock Hudson, lui, l’autre vedette du film, a "détesté presque tout de suite" ce gamin arrogant qui, dès qu’il apparaissait dans une scène, crevait littéralement l’écran. Ses modèles, à lui, c’était Marlon Brando, qui le considérait comme "un putain de génie", ou Montgomery Clift.

Au fil des témoignages des principaux protagonistes - la famille, les metteurs en scène, les filles et les garçons avec qui il a eu quelques liaisons éphémères - et de James Dean lui-même, on le découvre en profondeur, avec ses passions pour la danse, le sport, la corrida, la vitesse et les bolides. Son métier, surtout. Même s’il l’exerçait à l’instinct animal, sa plus grande fierté fut d’être admis au prestigieux Actors Studio de New York, "sa" ville, en 1952.

Bien sûr, le lecteur connaît d’avance la fin de l’histoire. Mais toute la réussite de Philippe Besson réside dans le traitement, cette biographie fictive presque en creux d’un destin fracassé sur une route californienne dans une Porsche 550 Spyder qui roulait beaucoup trop vite. "Vivre vite, mourir jeune, faire un beau cadavre", souhaitait James Dean. Il a été exaucé. Jean-Claude Perrier

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