3 avril > Premier roman République du Congo

A l’attention des lecteurs peu familiarisés avec l’histoire récente de son pays d’origine, Marius Nguié a placé à la fin de son roman un "Précis sur le Congo, dans les années 1990", bref mais indispensable à sa compréhension. L’auteur nous rappelle ainsi la distinction entre la République démocratique du Congo (ex-Zaïre, ex-Congo belge), et la République du Congo, souvent encore appelée Congo-Brazzaville. C’est là qu’il est né, en 1980, à Gamboma, une petite ville du nord autrefois tranquille. En 1994, durant l’une des guerres civiles qui déchirent le pays, entre sudistes (ou kongos) et nordistes (ou Mbochis), partisans de l’un des grands partis de l’échiquier politique congolais, chacun ayant son candidat, et, surtout, sa milice armée. Les Cocoyes de Pascal Lissouba (président élu en 1992 puis chassé du pouvoir), les Cobras de Denis Sassou-Nguesso, vieux crocodile du marigot africain redevenu président en 1997 - et qui l’est toujours.

Le "héros" du roman, Benjamin Ngoubili, est un jeune Cocoye qui a beaucoup violé, pillé, torturé, tué. Le voici qui débarque à Gamboma, chez les Cobras, se fait appeler Sous-off et instaure un régime de terreur dont il est le caïd. Durant quelques mois, il va dominer la ville, séduisant même jusqu’à Nicolas, le narrateur, fasciné mais pas au point de devenir lui-même un yankee, une racaille. Mais le règne de Benjamin sera bien éphémère et il mourra comme il a vécu, à 28 ans.

Partant de cette histoire, emblématique de la décomposition politique d’un certain nombre d’Etats africains (comme la Centrafrique), selon des critères géographiques, ethniques, religieux et économiques indissolublement liés, Marius Nguié a construit une fable douce-amère écrite sur un ton pince-sans-rire. Le lecteur appréciera l’inventivité linguistique des Gambomais, notamment dans le registre sexuel. Ainsi Sous-off espère "se faire des momies" (des copines), ou, à défaut, coucher avec des "molassos" (le mot lingala pour "salope"), voire des "bordèles", dont le sens se comprend aisément. Sinon, on peut se reporter au "Petit dictionnaire portatif de lingala des yankees" glissé par notre auteur facétieux dans son livre, à la page 69. J.-C. P.

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