20 avril > Biographie France > Fabrice Gaignault

"James Taylor s’est levé, m’a salué longuement et […] a ajouté : "J’ai la soixantaine bien entamée et c’est un miracle que je sois vivant." La porte s’est refermée sur sa grande silhouette habillée de bleu de chauffe. Le feu et la pluie, avait-il chanté il y a longtemps. Fire and rain. La pluie de mon enfance et le feu de mes rêves, peut-être aussi."

L’enfance, les rêves tapissent de leurs motifs l’œuvre de Fabrice Gaignault qui s’affirme de livre en livre (après Egéries sixties, Fayard, 2006, ou Aspen terminus, Grasset, 2010) comme l’un de nos plus précieux "regretteurs d’hier". Ainsi, lorsque le journaliste français rencontre James Taylor, c’est pour évoquer le tournage de Macadam à deux voies de Monte Hellman et ses compagnons d’alors, Laurie Bird, Warren Oates ou l’un des Beach Boys, Dennis Wilson, tous tombés au champ d’honneur du rêve (ou du cauchemar) hippie. La conversation s’orientera vite vers un de ces voyageurs du passé, gueule d’ange ou de diable, guitariste particulièrement doué et assassin précoce, Robert dit "Bobby" Beausoleil. Issu d’une famille modeste, Beausoleil est dès l’adolescence en rupture de ban avec elle et réfugié dans la Californie du "Flower power". Sa belle gueule lui autorise un avenir d’acteur, il préfère la musique et les mauvaises fréquentations, au premier rang desquelles le cinéaste underground Kenneth Anger ou, pire, l’autoproclamé antéchrist Charles Manson. C’est le 27 juillet 1969, quelques jours avant le massacre par la bande de Manson de Sharon Tate et de ses infortunés compagnons, que Bobby assassine, pour une sombre affaire de dope, un professeur de musique dealer à ses heures perdues. Vite attrapé, il écopera de la peine de mort transmuée en peine de prison à perpétuité. Peine qu’il purge toujours, tout en composant quelques morceaux magnifiques et recevant quelques visites, dont celle de Truman Capote, qui ne pouvait rater ça.

Pour ce curieusement édénique Bobby Beausoleil et autres anges cruels, parmi lesquels brille le souvenir des trop tôt foudroyés Gram Parsons ou Gene Clark, Fabrice Gaignault a mis ses pas dans ceux de l’assassin. Cette promenade biographique, très réussie, est étrangement empathique. L’histoire de Beausoleil y est traversée par les interrogations et finalement les secrets du biographe, cet enfant de Guéthary, qui croyait que la Côte basque le rapprocherait de la Californie. O. M.

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