11 septembre > Histoire France > Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre

Les historiens aiment bien déplacer les curseurs. Jacques Le Goff avait envisagé un long Moyen Age, et Eric Hobsbawm un court XXe siècle. Pour Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, le XIXe siècle commence en 1804 par la proclamation de l’indépendance d’Haïti et se termine en 1911 avec la première République chinoise. Après tout pourquoi pas ? Les deux directeurs de cette Histoire du monde au XIXe siècle ne sont d’ailleurs pas dupes de ces conventions et assument l’arbitraire de ces balises temporelles. "Du point de vue des bisons d’Amérique, le XIXe siècle fut une extermination de masse. Du point de vue des lapins, il fut celui de la colonisation de l’Australie, avec d’immenses conséquences sur la flore et la faune locale." Autrement dit, l’instrument varie en fonction de ce que l’historien veut bien voir. Ici, en l’occurrence, on modifie la focale pour augmenter les surprises et montrer comment se sont construites les notions de modernité et de progrès. Il s’agit moins de passer au scanner une période que d’en saisir ce qui la porte.

Sur le modèle de l’Histoire du monde au XVe siècle (Fayard, 2009, Pluriel, 2012), le XIXe siècle devient un terrain de jeu pour ces quelque quatre-vingts historiens - les meilleurs dans leurs disciplines - qui s’amusent à changer de règles et de compas pour l’observer, autant que faire se peut, dans la globalité. Mais une globalité saisie dans une vision essentiellement française. C’est ce qui fait l’originalité de cet ensemble par rapport à d’autres approches anglo-saxonnes de ce que l’on nomme désormais l’histoire-monde.

L’ouvrage est divisé en quatre parties. Dans la première, le XIXe siècle est approché comme une suite d’expérimentations d’un nouveau territoire. Les articles traitent donc de l’urbanisation, de l’industrialisation, de la colonisation, des guerres ou de l’importance de l’imprimé pour citer quelques thèmes abordés. La deuxième partie déroule la "charpente chronologique", selon l’expression d’Alain Corbin, de 1804 à 1911. On est souvent hors de France. On y traite du choléra à La Mecque (1865), de la fin de l’esclavage aux Amériques (1888) ou de la fondation du Congo belge (1908).

La troisième partie intitulée "Le magasin du monde" nous fait visiter une étrange boutique où l’on trouve, entre autres, le barbelé, le fusil, le thé ou la montre, qui souligne que ce siècle fut bien celui du temps domestiqué, réglé, discipliné, pour l’éducation comme pour l’entreprise. Enfin, la quatrième partie aborde les grandes aires culturelles américaines, russes, indiennes, asiatiques, arabes et africaines.

On l’a compris, un tel ouvrage choral n’est pas destiné à une lecture cursive. Chacun est invité à se laisser guider par sa curiosité. Son organisation favorise ce type de circulation. Théâtre de révolutions, d’utopies, de rêves d’empires et de cauchemars en tout genre - ceux imaginés par Edgar Poe et ceux réalisés par les coloniaux -, ce siècle fut, en Occident du moins, celui des névroses, pour reprendre le titre d’un livre oublié du poète Maurice Rollinat. Pas étonnant qu’il s’achève sur L’interprétation du rêve de Freud et donne naissance à la psychanalyse. L. L.

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