21 août > Premier roman France

"Il est des villes qui n’ont pas besoin de littérature : elles sont littérature." Le cas de la Ville-Pays, dans Tram 83 de Fiston Mwanza Mujila, Ville-Monde et Ville-Nuit, Ville de l’Ombre, cité des trafics interlopes et des flâneurs nyctalopes. Gare du Nord, jungle des chemins de fer en perpétuels travaux où se croisent les étudiants, "les mineurs-creuseurs ou creuseurs-mineurs", "les canetons", ces michetonneuses stéatopyges à la poitrine siliconée qui vous lancent des "Vous avez l’heure ?" en guise d’invitation au voyage… Le décor est planté dans la mégalopole africaine, quartier gare, "le seul endroit du globe où on pouvait se pendre, déféquer, blasphémer, s’amouracher et dérober sans se soucier du moindre regard".

Requiem attend son vieil ami Lucien, venu de "l’Arrière-Pays". Requiem et Lucien, le magouilleur et l’intello, l’un est de toutes les combines, l’autre est prof d’histoire dans un pays sans mémoire, un écrivain en herbe qui cherche à monter son "théâtre-conte", un duo chaotique jeté dans une existence non moins tohu-bohuesque. Lucien arrive enfin, et c’est au Tram 83 que Requiem l’emmène. Le Tram est un bar-bordel - véritable métonymie de la Ville-Pays : c’est l’extérieur puissance dix, avec "filles aux seins-grosses-tomates" et touristes première classe, et du Coltrane ou les Variations mandingues de Toumani Diabaté en bande-son.

Un jour qu’il poireaute au Tram 83, l’auteur de l’Arrière-Pays rencontre "un éditeur tombé du ciel". Ferdinand Malingeau lui souffle un conseil. Plutôt que d’asséner de grandes leçons de vie avec perspective historique, peuplées de personnages tel Lumumba, figure de l’indépendance du Congo-Zaïre, écrire tout simplement la vie. Marre de héros africains névrosés et sans domicile, criblés de toutes les dettes du monde, poursuit le patron des Editions Trains du Bonheur, il faut de belles personnes, du bon son et de la "bière-de-Brazza" : "Il faut que ça baise aussi dans la littérature africaine !"

Fiston Mwanza Mujila, né en 1981 à Lubumbashi (République démocratique du Congo), a suivi le conseil de son personnage éditeur et signe un premier roman au vertige rythmé - de la poésie picaresque mise en musique par une scansion qui tient du slam et des boucles aussi envoûtantes qu’une mélopée jazz. Sean J. Rose

Les dernières
actualités