Roman/France 2 avril J.M. Erre

Comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, Michel H., le narrateur - et toute ressemblance avec Houellebecq, « un grand écrivain humoristique », n'est pas fortuite - abonné aux anxiolytiques et aux psychothérapies, se présente comme « un obsessionnel compulsif bipolaire gravement dépressif, franchement hypocondriaque, volontiers paranoïaque et fortement inhibé à cause d'un rapport pathologique à (sa) mère ». Comme héros de roman, franchement, il y a plus glamour, mais c'est sans doute notre époque qui veut ça.

Né il y a 25 ans et à regret, Michel, successivement « enfant triste, adolescent cafardeux et adulte neurasthénique » est aujourd'hui chômeur au RSA, fan des chaînes C8 et BFMTV, spots publicitaires compris. Comment s'étonner, dans ces conditions, que Bérénice, la femme de sa vie depuis trois semaines, fort névrosée elle aussi, le plaque tout soudain, comme ça, sans crier gare, un dimanche. Non sans lui avoir laissé, en guise de vengeance, une pleine caisse de livres ayant tous trait au bonheur et aux moyens de se le construire ! Michel est une éponge, un être docile, une espèce de Bouvard et Pécuchet à lui tout seul. Il hésite, change d'avis tout le temps, ratiocine et procrastine et passe d'une lubie à une autre, en général à la suite d'expériences calamiteuses : comme quand il a voulu se mettre à faire la cuisine, devenir secouriste, ou pratiquer le sport. Il aimerait bien, par-dessus tout, ressembler à notre nouveau « président-prophète », celui qui a « les dents du bonheur », dont il essaie d'appliquer les préceptes énoncés durant sa campagne électorale de 2017. En vain. Le réel est dur, pour l'un, confronté à un pays « ingouvernable », comme pour l'autre, persécuté par ses voisins, les Patusse, un couple de propriétaires insupportables, ou Piotr, le clodo camé. Il finira par s'en débarrasser, de manière expéditive, après qu'ils lui auront gâché sa dernière journée de vie, celle de son suicide. Mais tout ne se passera évidemment pas comme Michel l'avait prévu, y compris le retour de Bérénice.

Ce nouveau roman très attendu de J.M. Erre, son huitième depuis 2006 et Prenez soin du chien est sans doute moins farfelu que les précédents, plus grinçant que drôle, même si toujours aussi virtuose et pince-sans-rire. Peut-être la contagion d'avec Houellebecq. Même à la télé, où l'auteur tient chronique dans « Groland » sur Canal plus, on n'a pas envie de rigoler tous les jours.

J.M. Erre
Le bonheur est au fond du couloir à gauche
Buchet-Chastel
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 15 euros ;192 p.
ISBN: 9782283033807

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