11 OCTOBRE - BD Japon

Photo SHIGERU MIZUKI/CORNÉLIUS

Spécialiste des figures surnaturelles qui peuplent la culture japonaise, Shigeru Mizuki les a mises en scène dans ses séries comme Kitaro le repoussant (Cornélius), et répertorié dans son fascinant Yokai, dictionnaires des monstres japonais (Pika, 2008). Mais la propre vie de cet auteur de mangas majeur, né en 1922 à Osaka, puis enfant dans une petite ville côtière du sud-ouest du Japon, a parfois pris des accents bien plus cauchemardesques dont il a donné un aperçu dans Opération mort (Cornélius, 2008), récit d'un épisode hallucinant des campagnes du Pacifique pour lesquelles il a été mobilisé à 20 ans et d'où il est revenu amputé du bras gauche.

Parue au Japon en 2001, sa monumentale autobiographie restitue en trois volumes, évoquant successivement l'enfant, le soldat (à paraître en avril 2013) et le mangaka (automne 2013), l'ensemble de la trajectoire du nonagénaire. Celle-ci se confond avec celle d'un pays marqué par une mutation spectaculaire. En un siècle percuté par l'impact de la Seconde Guerre mondiale et des deux bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, l'archipel constitué de villages de pêcheurs et de paysans est devenu une des toutes premières puissances économiques du monde.

L'enfant introduit par Shigeru Mizuki dans ce premier volume, où les drames sont encore atténués, est un petit bonhomme curieux, insouciant et... gourmand au point de se voir attribuer le surnom de "glouton". Son père aux ambitions littéraires et dramaturgiques contrariées peine à faire rentrer l'argent du foyer. Sa mère doit élever ses trois fils (Shigeru est le deuxième) dans ce contexte difficile. Lui s'ouvre très tôt à l'univers des monstres japonais au côté de la vieille employée de sa mère, NonNonBâ, déjà rencontrée dans le livre du même nom (Cornélius, 2009). Très tôt aussi, il les dessine, grâce au matériel offert par son père.

Le futur mangaka traverse la crise et la famine des années 1920-1930 et son cortège de morts, dont celle d'un camarade obligé d'embarquer comme cuiseur de riz sur un bateau qui fera naufrage. Il pratique aussi les jeux très Guerre des boutons des gamins de son âge. Toujours pragmatique dans son approche picturale, Shigeru soigne ses représentations les plus documentaires - maisons de bois, ports, navires, nature, animaux -, assouplissant son trait pour rendre les émotions de ses personnages et l'action dans un récit où l'on sent peu à peu la guerre qui vient.

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