De novembre 1942 à octobre 1943, les Italiens occupent la Corse. Mussolini y a envoyé 80 000 hommes. Au fil des mois, l'armée fasciste se radicalise et les déportations vers l'Italie des opposants politiques se multiplient. Pour l'île, c'est une situation inédite et intolérable. Les communistes, pourtant peu nombreux, installent une dynamique de refus dans l'opinion qui contribue à unifier les insulaires. "Dans la Corse soumise pour l'essentiel au pouvoir militaire italien, l'image de Vichy s'est peut-être affaiblie plus encore que sur le continent."
Grande spécialiste de la Résistance en Corse, Hélène Chaubin propose un ouvrage novateur et très complet sur la situation de l'île de Beauté durant la Seconde Guerre mondiale. Novateur parce qu'il puise dans divers fonds d'archives, en France, en Angleterre et surtout en Italie. Très complet, parce qu'il nous permet d'entrevoir dans le détail, avec ses nombreux protagonistes, l'intensité de cet épisode peu étudié.
La position géographique et l'histoire de la Corse ont donné à cette expérience de la guerre un aspect bien différent de celle du continent. Si un parlementaire corse sur les quatre présents n'a pas voté les pleins pouvoirs à Pétain, l'île ne fut pas aux trois quarts maréchaliste. L'affaire est bien plus complexe, comme toujours en Corse. La Résistance et la collaboration débutent comme sur le continent en 1940, mais elles s'adaptent vite à la structure clanique de la politique locale.
L'ennemi, c'est ici moins Hitler que Mussolini. Même si 3 000 Allemands sont présents de juin à octobre 1943, il s'agit avant tout de chasser l'intrus historique : l'Italien. Assez rapidement, la résistance s'organise et des armes sont envoyées d'Alger aux maquis par le sous-marin Casabianca. La capitulation italienne en 1943 entraîne le soulèvement général et de rudes combats sur les hauteurs de Bastia. Les résistants, appuyés par les troupes venues d'Afrique du Nord, font de la Corse le premier département français libéré.
En s'appuyant sur de nombreux documents, dont quelques-uns proposés en annexes, Hélène Chaubin expose la vie en Corse de 1939 jusqu'à la Libération : les collaborateurs, le rôle du PPF de Doriot, mais aussi les résistants, leurs stratégies et leurs liens avec les réseaux continentaux. Elle nous montre aussi le regard de l'Allemagne et surtout de l'Italie sur la Corse avec les rêves d'annexion de Mussolini. Hélène Chaubin précise aussi qu'il n'y eut pas de déportations raciales en direction de l'Allemagne et que les directives antisémites de Vichy furent peu suivies sur ce territoire où vivaient alors quelque deux cents familles juives. C'est donc un éclairage passionnant sur cette Seconde Guerre mondiale où se joue le sort de la Corse et aussi un hommage à ces maquisards qui ne voulaient pas des chemises noires.
