Anne-Solange Noble, ancienne directrice des droits étrangers chez Gallimard, a reçu le 22 septembre la médaille d'officière de l'ordre des Arts et des Lettres des mains de Teresa Cremisi au Centre national du livre. Loin de s'approprier cette distinction, la professionnelle aux 37 ans de carrière en a fait un plaidoyer pour sa profession.
La Non-francophonie, territoire d'expansion
« Ce métier de l'ombre est si peu connu, si méconnu même », a déploré Anne-Solange Noble devant une assemblée d’environ 80 personnes réunissant responsables de droits, éditeurs et auteurs, dont JMG Le Clézio et Muriel Barbery. La professionnelle a rappelé que « le commun des mortels ne connaît pas l'interlocuteur essentiel des chargés de droits : l'éditeur étranger ».
Cette méconnaissance masque pourtant un rôle fondamental. « Un livre ne s'est pas vendu tout seul, d'un claquement de doigts : il a été activement proposé par une chargée de droits à plusieurs éditeurs étrangers dont les catalogues étaient compatibles », a-t-elle précisé.

Anne-Solange Noble, d’origine québécoise et parlant couramment trois langues dont l’espagnol, a insisté sur l'importance de la « non-francophonie » dans la diffusion des auteurs français. « Mon métier s'est exercé dans cette non-francophonie qui couvre tellement plus de pays que la francophonie », a-t-elle souligné, rappelant que ces pays « n'ont strictement aucun moyen d'avoir accès à nos auteurs si ceux-ci ne sont pas traduits ».
L'ancienne responsable de droits a illustré son propos par des exemples emblématiques : « C'est parce que Notre Dame de Paris de Victor Hugo a été traduit sur tous les continents que la comédie musicale éponyme s'est fait connaître partout », assure-t-elle.
Un modèle français efficace
La professionnelle a défendu le modèle français des services de droits intégrés aux maisons d'édition. « Qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y a pas de corrélation entre ce modèle et le fait que le français est la 2e langue la plus traduite au monde », a-t-elle affirmé.
Selon l’ancienne cheffe de l’équipe de Gallimard – qui n’a pas évolué depuis son départ et la prise de fonction de sa successeure Judith Rosenzweig, cette organisation permet une approche cohérente. « Des services à l'auteur au sein d'une même maison, reliés les uns aux autres dans une réelle synergie, jusqu'à la sortie du cadre hexagonal pour projeter la comète du livre dans son orbite planétaire ».
Une reconnaissance « collective »
Dans son discours en forme de plaidoyer, le récipiendaire a défendu une corporation informelle entre les responsables de droits de maisons « concurrentes » sur d’autres pans du business. « Cette médaille est une forme de reconnaissance collective », a-t-elle déclaré à ses « copines et copains des droits étrangers ».
L'assemblée comptait notamment les responsables de droits de Grasset, Albin Michel, Stock, Flammarion, POL, ainsi que les responsables du Centre National du Livre qui hébergeait la cérémonie, Régine Hatchondo, de France Livre, Nicolas Roche, et du Syndicat National de l’Édition, Renaud Lefebvre.
La cérémonie s'est achevée par un clin d'œil historique : la distribution d'un article du journal Libération datant de 1985 portraiturant douze responsables de droits, dont Anne-Solange Noble, témoignant de la pérennité d'une profession unie par « une belle connivence amicale » selon les mots d'Alain Garric. Dans ces lignes d’un autre siècle, on peut également y lire un commentaire de Béatrix Vernet, alors chargée de droits chez Robert Laffont, qui déplore qu’ « il y a eu une époque plus folle, plus généreuse (…), c’était relativement plus facile, les gens s’enthousiasmaient plus vite, ils ne prennent plus de risques, demandent garanties et références » et de conclure « ce métier, il faut l’affronter maintenant d’une manière plus rationnelle, mais c’est un métier d’avenir ». Des mots prononcés en 1985 et toujours d'actualité quarante ans plus tard…