24 août > Roman France > Bertrand Leclair

"J’étais pris à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés", raconte Stendhal lors de son voyage en Italie. Wallace, jambe en l’air dans une chambre d’hôpital romain, lui aussi, est écrivain et nul doute qu’il a ressenti le même vertige que l’auteur de La chartreuse de Parme, éponyme de ce syndrome esthétique qui vous fait tourner la tête. Wallace a certes perdu la sienne mais pour une beauté transalpine nettement plus incarnée. C’est à cause de Giulia qu’il est en train de vivre "la TGH" : "la Très Grande Humiliation où me voilà empêtré pour des semaines, grimace Wallace,même pas capable de se lever pour aller pisser tout seul sans parler de s’en griller enfin une petite, putain de merde". On apporte au narrateur du nouveau roman de Bertrand Leclair, Perdre la tête, un ordinateur portable pour qu’il puisse écrire, mais quoi ? Que s’est-il passé ? L’homme marié, installé, avec enfants, s’éprend, et c’est réciproque ! de la sublime jeune épouse d’un richissime collectionneur d’art. Trop beau pour être vrai : "Pauvre Wallace qui croyait savoir le comment et le pourquoi de ce qu’il était en train de vivre, une passion miraculeuse à quarante ans largement passés, vita nova des amours torrentiels qui vous remettent à chanter à tue-tête par les rues désertes au petit matin, "ca-a-deau de la vi-i-e" […]." C’était avant. Avant que Giulia ne montre cet autre visage, le masque de la peur, de la folie qui débite des propos insensés laissant à penser que son nabab de mari handicapé serait un bandit, voire le chef de la mafia, qu’il l’aurait poussée dans les bras de Wallace afin de mieux tromper son monde, propos enchevêtrés d’autres histoires non moins farfelues de scientifique fou, en Chine, greffant des têtes de souris grises sur des corps de souris blanches… Avant ce rendez-vous, gare Termini, où Giulia pointa sur lui un revolver qu’il avait pris pour un jouet, avant cette balle dans le genou.

Cet imbroglio romanesque nous plonge à travers le truculent soliloque du narrateur écrivain dans le néant de sens d’un rêve érotique qui a tourné au cauchemar. Mieux vaut en rire que d’en pleurer, et l’on rit fort.      S. J. R.

 

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