Littérature française

Valentin Retz, « Une sorcellerie » (Gallimard) : Par-delà les ténèbres

Valentin Retz - Photo © F. Mantovani/Gallimard

Valentin Retz, « Une sorcellerie » (Gallimard) : Par-delà les ténèbres

Valentin Retz imagine une fiction, entre tribulations existentielles et quête mystique, où il pénètre dans la tête d'un sataniste et combat pour la lumière. Tirage à 2500 exemplaires.

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Par Sean Rose
Créé le 13.10.2021 à 20h09

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » La pensée de Blaise Pascal n'a rien d'une formule galante. Substituez à « cœur » le mot « foi » - le philosophe et mathématicien du XVIIe siècle signifie seulement que la croyance en Dieu ne saurait s'expliquer par des démonstrations logiques. Ce qui arrive au narrateur d'Une sorcellerie, le nouveau roman de Valentin Retz, est incompréhensible. Tout commence avec de drôles d'expériences lumineuses.

Tout d'abord, en rêve après avoir lu une légende arthurienne à son jeune neveu. Plus tard dans la journée, à la piscine avec le garçonnet, où un soleil clair sature le bassin de lumière, comme si ce rêve s'était prolongé dans le réel et était devenu tangible : « La moindre goutte d'eau, le moindre jet, la moindre ondulation réverbéraient en un milliard d'étincelles chatoyantes. » L'épiphanie s'accompagne d'une apparition étrange : une ogresse qui se savonne sous la douche, irradiant d'une beauté magnétique. Le soir même, cela se reproduit après l'amour avec son épouse France : surprenant son corps nu dans une glace alors qu'il allait se chercher à boire, il se voit auréolé d'« un halo surréaliste » et aperçoit sur la table basse le volume du Conte du Graal, qu'il avait raconté à son neveu, tout « nimbé d'éclat ».

Chemin de croix

Après la lumière, les ténèbres. Le jeune homme sort de sa propre enveloppe charnelle et pénètre dans la tête d'un certain Daxull. Rien de plus noir que cet esprit-là. Le mage s'adonne à des rites sataniques. Assisté de Fiona, l'acolyte du Mal, il cherche à monter les hommes entre eux. Aussi, par une espèce de sortilège, suggère-t-il à un romancier contemporain un livre dépeignant une France aux mains des djihadistes... Dans le vrai monde un attentat survient au Bataclan. Celui qui a effectué le trip extracorporel et qui est aussi écrivain essaie de comprendre. Il s'appelle Retz comme l'auteur de cette présente fiction et poursuit comme lui sa quête de vérité initiée dans son ouvrage précédent Noir parfait. Doit-il livrer son témoignage à l'Institut suisse des sciences noétiques spécialisé dans les états modifiés de conscience ? « Esclave des préjugés de [s]on époque, »le narrateur veut des explications rationnelles.

Pascalienne est finalement la voie qu'emprunte l'ensorcelé : les épreuves de l'âme ne peuvent se prouver scientifiquement. Il va voir lors d'un séjour en Bretagne un prêtre exorciste qui lui mande d'aller vénérer et ceindre la couronne d'épines du Christ à Notre-Dame. Quoi ? ! De moments d'inconscience épisodiques il passerait à la pure folie ! Encore Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n'être pas fou. » Mû par « la folie de la croix », l'absurde croyance à un amour universel jusqu'au sacrifice, Valentin Retz ne l'est pas moins par les raisons de la littérature : il joue avec les tropes de la fiction d'épouvante ou les codes du roman de chevalerie. Le cœur a ses raisons inintelligibles, parce que l'intelligence n'a pas ses yeux : les yeux du cœur qui savent que « l'amour n'[est] rien d'autre que le réel absolu. » Ils sont fous, ces cathos ?

Valentin Retz
Une sorcellerie
Gallimard
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 19 € ; 240 p.
ISBN: 9782072954153

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