Antoine Volodine — pseudonyme  d’un écrivain français russophone — publie à la rentrée chez trois  éditeurs, sous trois noms de plume différents. Mais, au-delà du goût  pour le travestissement, le recours au pseudo ou à l’anonymat est  parfois juridiquement risqué.       C'est le droit au respect du  nom, l’un des attributs moraux dont dispose chaque écrivain, qui lui  permet de publier anonymement ou d'imposer un pseudonyme. L'article L.  132-11 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) précise en effet que  l'éditeur «  doit, sauf convention contraire, faire figurer sur chacun  des exemplaires le nom, le pseudonyme ou la marque de l'auteur  ». Et la  Cour d'appel de Paris a rappelé, en 1990, que le droit à la  paternité s'appliquait uniformément, que l'auteur ait choisi d'être  édité sous son vrai nom ou sous pseudonyme.        L'éditeur s'engageant souvent  sur la renommée d'un auteur, le recours au pseudonyme ou à l'anonymat  devra avoir été prévu d'un commun accord dès la signature du contrat  d'édition.        Mais une fois clairement  accepté le principe de l'anonymat ou du pseudonyme, l'éditeur ne peut  lever le voile sur le véritable nom de l'auteur. La Cour d'appel de  Paris a déjà jugé, en 1979, qu'il s'exposait alors à une résiliation du  contrat d’édition à ses torts.         Par ailleurs, l'éditeur sera  considéré juridiquement comme le mandataire de l'auteur qui ne désire  pas révéler son identité. Il deviendra donc l'unique interlocuteur  juridique des tiers s'intéressant à l’œuvre publiée anonymement ou sous  pseudonyme. À ce titre, il signera seul tous les contrats subséquents,  dans les limites, bien entendu, du mandat dont il dispose. De même,  l'éditeur pourra agir pleinement en justice, sans le concours de  l'auteur qui aura pris le parti de rester caché.        La durée de protection de  l'œuvre s'en trouve aussi bouleversée. L'article L. 123-3 du CPI dispose  en effet : «  Pour les œuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, la  durée du droit exclusif est de soixante-dix années à compter du 1er  janvier de l’année civile suivant celle où l’œuvre a été publiée. La  date de publication est déterminée par tout mode de preuve de droit  commun, et notamment par le dépôt légal  ». La Convention de Berne du 12  septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques,  qui régit principalement les relations internationales en matière de  droit d’auteur, a également pris en compte cette spécificité du  pseudonyme et de l'anonymat, en prévoyant une durée de protection  dérogation du régime normal, qui va aujourd’hui    jusqu’à  soixante-dix ans après la mort de l’auteur.        Mais, «  lorsque le ou les  auteurs d’œuvres anonymes ou pseudonymes se sont fait connaître, la  durée du droit exclusif  » est calculée selon les règles classiques,  c'est-à-dire à partir du décès de l'auteur. Il en a été jugé de même si  l'identité véritable de l'auteur est un secret de Polichinelle. Le  Tribunal de grande instance de Paris a estimé, en 1980, que tel était le  cas des  Onze mille verges   .      Que penser alors de Volodine, dont, en  mettant de côté ses autres pseudonymes, peu connaissent l’identité  réelle ? L’intéressé a commencé de publier sous pseudo il y a trente  ans. Il rejoindra donc le domaine public en 2051, sauf à révéler  clairement son identité auparavant. Et que penser de Thomas Pynchon ?  Ecrivain caché, ou pseudo habilement utilisé ? Le romancier américain a  commencé de publier dans les années cinquante avant de fuir les medias.  Le domaine public le guette dans moins de quinze ans, nonobstant la  traque que CNN a menée, il y a peu, caméra au poing suivant l’écrivain.  Gageons que d’ici la chute dans le domaine public, il redonnera signe de  vie de façon spontanée, autrement que sous la forme d’une photo datant  de plusieurs décennies et d’une identité totalement introuvable.        Quant au droit pénal, il  sanctionne sévèrement l'usurpation du nom d'autrui, même du nom  d'emprunt. Félix Tournachon, dit Nadar — dont le milieu de la culture  « célèbre » cette saison la disparition, il y a un siècle    —,  avait ainsi poursuivi avec succès son frère qui entendait publier sous  le pseudonyme de Nadar jeune.         La Cour d'appel de Paris  s'était également penchée, en 1921, sur l'utilisation d'un pseudonyme  commun à deux comparses en littérature. Les magistrats avaient ainsi  estimé que l'accord de chacun était nécessaire pour l'exploitation de ce  qui s'apparentait à une œuvre de collaboration.     Crayencour/Yourcenar, Tournachon/Nadar,  Gary-Ajar, Volodine/Kronauer/Draeger ? Le jeu n’est pas seulement  littéraire et artistique. Il est aussi juridique.