EMPLOIS D'AVENIR

Vraiment d'avenir ?

Vraiment d'avenir ?

Le nouveau dispositif en faveur des 16-25 ans annoncé par le gouvernement trouvera-t-il sa place en lecture publique, comme ce fut le cas des emplois jeunes ? Pas sûr, répondent les professionnels, qui voient un obstacle dans le manque de qualification des jeunes concernés.

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Par Véronique Heurtematte
avec Créé le 27.10.2014 à 15h34

Bibliothèque du cinéma François-Truffaut à Paris.- Photo OLIVIER DION

D'ici à 2014, 150 000 jeunes de 16 à 25 ans, peu ou pas qualifiés, vont être recrutés avec l'aide financière de l'Etat sur des contrats d'une durée de un à trois ans. Ce dispositif, qui concernera majoritairement le secteur public, pourra-t-il bénéficier aux bibliothèques, comme ce fut le cas des emplois-jeunes il y a quelques années ? Les bibliothèques avaient en effet eu largement recours aux quelque 400 000 emplois-jeunes signés, tous secteurs confondus, entre 1998 et 2002.

A l'époque, cet apport de main-d'oeuvre, parfois très qualifiée (le niveau de diplôme ne constituait pas un critère dans l'accès au dispositif), avait coïncidé avec le développement des supports et des services numériques auxquels il était nécessaire de sensibiliser les usagers, et avec l'évolution de la notion d'accueil du public. Si certaines collectivités locales y avaient vu simplement l'aubaine de salariés à moindre coût, nombreuses sont celles qui avaient joué le jeu en créant des postes de type nouveau, ouverts à des jeunes ayant souvent des compétences et des savoir-faire encore peu répandus en bibliothèque dans le domaine des TIC et du multimédia. "Ce fut une occasion d'ouvrir la profession à de nouveaux profils, même si on peut regretter que les concours n'aient pas évolué pour prendre en compte ces nouvelles compétences", relève Pascal Wagner, directeur de la médiathèque municipale Saint-Jean-de-Védas.

Dans la plupart des cas, les postes des emplois-jeunes en bibliothèque ont été pérennisés (au niveau national, 70 % des emplois-jeunes avaient un emploi à l'issue de leur contrat). Dans les cas les plus favorables, les activités qu'ils avaient contribué à créer ont elles aussi été pérennisées, comme les bibliothèques hors les murs à Paris, mais il est parfois arrivé qu'elles disparaissent à l'issue du contrat, faute de personnel pour prendre la relève.

Quelle place pour du personnel non qualifié ?

Dans un contexte de stagnation ou de réduction du nombre de postes permanents, la perspective de personnels supplémentaires semble attractive. Mais alors que l'on constate une montée des compétences requises pour l'ensemble des métiers des bibliothèques, y compris en catégorie C (1), quels types d'activités pourraient correspondre aux jeunes peu ou pas diplômés concernés par les emplois d'avenir ?

L'absence de qualification fait tiquer tous les professionnels interrogés sur la question. "Les missions des personnels permanents ayant tendance à se recentrer sur l'accompagnement du public, les tâches logistiques, telles que le rangement des livres, pourraient être déléguées", avance Bertrand Calenge, directeur des études à l'Enssib (Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques). Certains services à la personne, comme le portage à domicile, ou encore l'élargissement des horaires d'ouverture, qui se heurte souvent au surcoût occasionné par le personnel supplémentaire que cela nécessite, pourraient être assurés par les emplois d'avenir.

Mais ces activités techniques ou d'appoint constituent-elles vraiment des métiers d'avenir ? «Quels débouchés pourra-t-on offrir à ces jeunes à l'issue de leur contrat ?, s'interroge Jean-Claude Utard, adjoint au chef du bureau des bibliothèques de la Ville de Paris. Il leur faudra passer les concours, qui sont de plus en plus sélectifs, pour pouvoir être intégrés." Pour Pascal Wagner, tout reposera sur la motivation et les qualités personnelles des jeunes : «Ceux qui le souhaitent pourront acquérir des compétences et suivre la formation de l'Association des bibliothécaires de France." Autre motif d'interrogation, les efforts d'encadrement que nécessitera l'accueil de ces jeunes éloignés du monde du travail, et qu'il faudra former et initier à la vie professionnelle, sans certitude de pouvoir les garder ensuite dans les équipes.

27.10 2014

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