Avant-critique Roman

Un certain Cashel Ross. En dépit d'un prologue au procédé un tantinet éculé, où William Boyd tente de nous faire accroire que son héros a réellement existé et qu'il est tombé en possession, par hasard, de l'« autobiographie inachevée, décousue et quelque peu déconcertante » de ce dernier ainsi que de memorabilia, Cashel Greville Ross, censé avoir vécu de 1799 à 1882, n'est pas un personnage authentique. 

Hélas ! Car sa vie, telle que le romancier l'a imaginée, est une pure merveille : un cocktail d'aventures rocambolesques (de Waterloo aux sources du Nil blanc en passant par les Indes, une tentative de brasserie dans le Massachusetts, et le consulat du Nicaragua à Trieste) ; de voyages qui donnent le tournis, depuis l'Irlande où il serait né, fils bâtard d'un baronnet anglais et de sa gouvernante écossaise, jusqu'à sa mort subite dans la salle d'attente de la gare de Graz, en Autriche ; et de rencontres majeures, comme celles de Lord Byron et du couple Shelley à Pise en 1820. Juste avant que Shelley ne se noie et que Byron ne parte mourir à Missolonghi. 

Et puis, il y a les femmes : la toute première, Daisy, la servante qui le dépucèle avant d'être renvoyée ; Claire Clairmont, la libertine hypocrite qui l'ajoute à son tableau de chasse, avec Shelley et Byron ; mais surtout, surtout, Raffaella, alors comtesse Rozzo, fille d'ambassadeur, mariée à un barbon vicieux de 67 ans, rencontrée à Ravenne et dont il sera amoureux toute sa vie sans jamais pouvoir l'épouser. Il refuse avec indignation la proposition perverse du mari d'être son « cavaliere servente », et s'en repart vers d'autres : Brid Corcoran, la jeune fermière irlandaise catholique du Massachusetts, dont le père exige que Cashel le protestant se convertisse pour l'épouser. Elle lui donnera deux filles, avant de tomber dans le mysticisme et la folie, mais ne mourra qu'en 1880. Il ne peut donc se marier ni avec Frances Broome, une femme de tête, indépendante, son associée à la ferme, ni avec Raffaella, retrouvée tant d'années après, lorsqu'il la croira libre. En fait, veuve deux fois, elle a épousé un marquis italien, puis un comte allemand, afin de s'assurer le train de vie dispendieux qu'elle a toujours mené. 

Cashel ne se remettra jamais de ce grand amour malheureux et se fuira lui-même à travers toutes ses tribulations, contées par Boyd avec une jubilation contagieuse et son talent coutumier − Le romantique est son dix-septième roman depuis Un Anglais sous les tropiques, paru en France en 1984. Ils sont très peu d'écrivains à maîtriser à ce niveau le genre du roman d'aventures : Rufin, Pérez-Reverte, et William Boyd.

William Boyd
Le romantique Traduit de l’anglais par Isabelle Perrin
Seuil
Tirage: 18 000 EX.
Prix: 23,90 € ; 528 p.
ISBN: 9782021529111

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