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100e tome : L'épopée "One Piece" à son apogée

Le tome 100 de One Piece sort en librairie le 8 décembre. - Photo Glénat

100e tome : L'épopée "One Piece" à son apogée

Les aventures de Luffy et de son équipage à la recherche du One Piece suscite l'engouement des Français depuis plus de 20 ans. A l’approche de la sortie en librairie le 8 décembre du tome 100, en édition classique et collector, le héros du mangaka Eiichiro Oda confirme sa place dominante sur le marché de la bande dessinée japonaise. Retour sur l'implantation d'une saga explosive en France. 

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Par Dahlia Girgis
Créé le 06.12.2021 à 10h30

L’engouement pour la saga One Piece se ressent dans les librairies à l’approche de la sortie du tome 100 le 8 décembre. L'histoire de l'équipage du "Chapeau de paille" imaginée par le mangaka Eiichiro Oda suscite un emballement constant depuis sa première parution en septembre 2000 chez Glénat. "C’est la folie furieuse", résume Grégory, employé à la librairie Bulle en stock à Amiens. Sur une commande d'environ 1000 exemplaires, plus de 600 ont déjà été précommandées. "Nous sommes obligés de limiter les ventes à un exemplaire par personne", explique le libraire. Même stratégie chez la librairie BD Geek située en région parisienne à Antony. L’enseigne du réseau Canal BD ne délivrera qu’un seul exemplaire par personne. L’autre crainte est le "fléau des reventes", explique Samia de la librairie Manga café à Paris. La librairie limitera elle aussi à un exemplaire par personne, mais uniquement pour l’édition collector de ce 100e opus.

À la suite du succès du tome 98, le tirage est passé de 220000 à 250000 pour chacun des tomes 99 et 100. "Nous savions que c’était une saga de renommée mondiale, mais nous restions quand même un peu surpris par ce succès", confie Satoko Inaba, directrice éditoriale manga de Glénat. Pour veiller au bon déroulement des livraisons, le tirage est transmis "bien en amont" au distributeur, Hachette, avec un colisage paramétré pour la version plus luxueuse. "Nous accordons un plus grand soin au conditionnement des éditions collectors avec des cales entre chaque numéro au sein du carton", précise Benoît Huot, directeur éditorial de Glénat.
 
 
 

Du marketing pour travailler l'attente

En avance de deux tomes sur l’animé, dont le 1000e épisode est sorti le 21 novembre, le tome 100 est attendu par les fans depuis le début de l’année. Une attente que Glénat a utilisé dans sa stratégie marketing. La maison d’édition a voulu faire un compte à rebours des numéros 98, 99 et 100 en accompagnant chaque édition classique avec une édition luxueuse. Pour les collectors, le volume est enveloppé d’une surjackette en simili-cuir, tandis qu'une disctinction de couleur a été faite : le tome 98 était en couleur bronze, le 99 en argent et le 100 sera en or. "L’idée est de s’ancrer dans l’univers de piraterie de One Piece et de proposer quelque chose de très classe, sans pour autant dénaturer l'œuvre car les livres à l'intérieur sont habituels”, explique Satoko Inaba. L’idée s’inspire des pochettes en cuir, fermées avec un lacet et utilisées à l’époque des grandes expéditions maritimes pour protéger les cartes géographiques. 



En parallèle de ces éditions, Glénat a lancé un jeu concours en septembre, 100 jours avant la sortie de ce volume culte par son chiffre symbolique. Les lecteurs peuvent quotidiennement gagner des lots en répondant aux questions sur les différents tomes. Pour lancer le concours, l’éditeur français a dû valider au préalable le concept, les questions et les lots auprès des ayants droits japonais, notamment l'éditeur japonais, Shueisha, dès le printemps.

Des records de longévité 

Benoît Huot rappelle qu’aujourd’hui un One Piece se vend toutes les 8 secondes. Un succès porté par des communautés de lecteurs qui ont découvert cet univers par le bouche à oreille ou les plateformes de vidéo à la demande et de streaming. Netflix a notamment annoncé l'écriture d'une adaptation en série en prises de vues réelles. Car, outre les jeux vidéos et les séries éditoriales dérivées, les aventures de Luffy ont déjà fait l'objet de plusieurs adaptations en version animée pour la télévision et le cinéma avec 14 films, rapportant au total 416 millions de dollars de recettes dans le monde. "Notre lectorat est très diversifié allant du jeune qui découvre la série à l’aide de l’animé au quadra qui l’a découvert à sa sortie il y a 20 ans", résume le responsable éditorial. En témoigne les chiffres de ventes du premier tome qui s’est vendu à plus de 78 000 exemplaires en 2020, soit une croissance de 89 % par rapport à l’année précédente et de 135 % en deux ans. 
 
One Piece

Luffy et son équipage arrivent dans l’Hexagone en 2000, soit trois ans après sa publication au Japon. A cette époque, Glénat cherche à renouveler son catalogue. La maison regarde alors du côté du Weekly Sh?nen Jump, le magazine japonais où paraissent la plupart des shonens et découvre One Piece. "Nous étions intéressés par l’innovation que proposait le titre, celui d’un pirate qui mange un fruit du démon qui le rend élastique et l’empêche de nager en mer", explique Benoît Huot. Depuis plus de 26 millions d’exemplaires en ventes nettes ont été écoulés par Glénat. En France c’est le premier manga qui jouit d’une telle longévité.

Selon Benoît Huot, la raison principale de cette longévité trouve son origine dans la personnalité de son créateur, Eichiira Oda. "Nous sentons qu’il prend du plaisir à dessiner. Les personnages sont également attachants et comiques et l’univers de la piraterie aborde également des thèmes universels." L’autre point important pour le directeur éditorial, ce sont les différents niveaux de lecture. La saga traite de thèmes comme l’esclavage dans l’arc des hommes poissons ou la colonisation sur Skypea. Le lecteur est invité à lire sous ces prismes ou sous l’angle du divertissement. "Dans un monde où pour téléphoner il faut utiliser des sortes d’escargots, nous ne savons jamais sur quoi s’attendre", plaisante l'éditeur. 

Du sous-genre aux "titres de noblesse"

La série est la plus vendue en France, notamment chez les jeunes. Pour preuve, 308743 exemplaires ont été écoulés avec le Pass Culture depuis le mois de mai, selon notre classement des 22 titres les plus achetés avec ce dispositif de l'Etat. La dynamique du manga a été amplifiée par ce "chèque" culturel pour les ados de 18 ans. Désormais, le genre représente une bande dessinée sur deux vendue en France, dans un contexte de forte croissance pour l'achat de livres.
Pour autant, le manga reste perçu par une partie de la société comme un "sous-genre". Une des raisons qui motive France Inter à consacrer une soirée spéciale le 8 décembre pour la parution du tome 100. "Il y a énormément de choses dans cette discipline, or elle a pu être déconsidérée par certains comme l’a montré la polémique sur l’utilisation du Pass Culture. L’idée est dans un premier temps de dédiaboliser, si nécessaire le manga, et après le mettre sur l’antenne", pour Yann Fouquet, directeur des programmes et de la production de la radio publique.
 
Les meilleures ventes du Pass Culture- Photo MONTAGE MARINE BRUGIER-DUTOURNIER / CHIFFRES PASS CULTURE

Benoît Huot pense qu’il est toujours nécessaire de normaliser la bande dessinée japonaise, mais moins qu’avant. "Dès qu’un secteur marginalisé prend de l’ampleur, il suscite des questions et souvent la peur ou le dénigrement." On se souvient de l'arrivée de Goldorak à la télévision française dans les années 1970 qui avait suscité de fortes polémiques pour sa soi-disant violence. Il fait le parallèle avec les grands auteurs de la littérature classique comme Balzac qui écrivait ses textes dans des magazines feuilletons, mal vus à l’époque. Pour lui, il ne manque pas grand-chose pour s'élargir au grand public : "Il faudrait peut-être une caution artistique et culturelle des milieux intellectuels, quand nous aurons des études plus poussées sur le manga en soi, le manga aura acquis ses titres de noblesse.

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