Avant-critique Correspondance

André Breton et Julien Gracq, "Correspondance 1939-1966" (Gallimard)

Julien Gracq et André Breton. - Photo © Association Atelier André Breton

André Breton et Julien Gracq, "Correspondance 1939-1966" (Gallimard)

La correspondance inédite entre André Breton, grand épistolier, et le discret Julien Gracq témoigne de leur longue amitié.

Parution 16 octobre

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 14.10.2025 à 09h00

Surréalistes, même. En près de trente ans d'échanges épistolaires, distendus mais fidèles, on est passés du « Cher Monsieur Breton » à « Cher André Breton », côté Gracq, et de « Monsieur » à « Mon très cher Ami », côté Breton, pourtant peu réputé pour ses effusions. Très influencé par le surréalisme et ami des deux, André Pieyre de Mandiargues témoignait que, si l'auteur de Najda « considérait fort mal la littérature », celui d'Au château d'Argol était l'un des rares qui trouvât grâce à ses yeux. C'est même grâce à Au château d'Argol, son premier livre, paru en 1938 (à compte d'auteur) chez José Corti, par ailleurs patron des Éditions Surréalistes, que Gracq s'est décidé à écrire à Breton, dont il avait découvert l'œuvre dans les années 1930, lorsqu'il était élève à l'École normale supérieure. Corti, donc, joua les intermédiaires, ce qui disposa Breton favorablement. Le reste, cette amitié, c'est à son talent que Gracq la doit.

On a retrouvé dix-neuf lettres, treize cartes postales, des télégrammes et divers envois de Breton à Gracq, et quarante-six lettres et treize cartes postales de Gracq à Breton, le tout étant pratiquement conservé ensemble, à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Les correspondances de Breton sont nombreuses : « Il y a plusieurs Breton, expliquait Gracq dans les années 1990, celui qui fait des livres, celui qui parle, et puis un qui n'est pas connu encore mais qui va l'être : c'est le Breton épistolier. Sa correspondance est considérable, parce que Breton écrivait beaucoup ; et il écrivait comme il écrit ses livres. » Côté Gracq, en revanche, c'est plus inattendu. Cette correspondance est la seule qu'on connaisse de cet homme d'une absolue discrétion, de ce Louis Poirier agrégé d'histoire-géographie écrivant sous le pseudonyme de Julien Gracq, agoraphobe et n'éprouvant que peu d'appétit pour le milieu littéraire. On se souvient de son refus hautain du prix Goncourt obtenu pour Le rivage des Syrtes (1951), de sa fidélité adamantine à son petit éditeur indépendant, Corti, à condition qu'il ne vende pas ses ouvrages en poche, ou encore de son pamphlet La littérature à l'estomac (1950). Cette attitude ne pouvait que plaire à Breton, même si elle explique les refus polis par Gracq de participer à diverses aventures surréalistes, excepté, en 1960, une pétition collective contre la désignation du malheureux Jean Cocteau en tant que « Prince des poètes ». Gracq regretta presque, ensuite, d'avoir signé, même s'il n'appréciait vraiment pas l'auteur des Enfants terribles.

Au début, leurs lettres sont un peu guindées, très littéraires. Ensuite, ça s'assouplit, on parle de revoirs potentiels, on échange des amabilités. Voici une belle séquence de notre histoire littéraire ici dévoilée avec minutie. Les notes en bas de page sont presque aussi longues que les lettres !

André Breton et Julien Gracq
Correspondance 1939-1966
Gallimard
Édition établie et présentée par Bernard Vouilloux, et annotée en collaboration avec Henri Béhar
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 21 € ; 240 p.
ISBN: 9782072961229

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