12 septembre > Roman Canada

Douglas Coupland- Photo THOMAS DOZOL/AU DIABLE VAUVERT

Quand Génération X, « histoires pour une culture en accéléré », de Douglas Coupland, est sorti en 1991 outre-Atlantique et en France deux plus ans tard (Robert Laffont), une nouvelle expression fut consacrée. « Génération X » désignait, à l’image des protagonistes du livre de l’auteur canadien installé à Vancouver, une classe d’âge : les personnes nées entre les années 1960 et 1980, qui ne se reconnaissaient pas dans les utopies des hippies pas plus que dans l’ambition tout-fric des yuppies. Coupland, réagissant au discours de Kurt Vonnegut à l’université de Syracuse, écrit Génération A. Vonnegut, qui voulait secouer le cocotier, avait déclaré devant un parterre de jeunes diplômés : « Les médias nous rendent à tous un immense service quand ils vous appellent la Génération X, pas vrai ? On est à deux clics de l’alphabet. Par la présente, je vous proclame Génération A, à l’orée d’une série de triomphes et d’échecs stupéfiants, tout comme le furent Adam et Eve en leur temps. » On reprend les mêmes et on recommence ? Pas exactement, Coupland pour son dernier roman a laissé le doigt sur la touche « Avance rapide » un peu plus longtemps. Nous voilà projetés dans un futur proche, où les abeilles ont disparu depuis cinq ans et où les jeunes parlent la langue informatique. L’unité de lieu y est bien sûr mise à mal : bienvenu dans le monde d’Internet et des nouvelles technologies où ni frontières ni fuseaux horaires n’ont de sens. Les hérauts de cette génération où tout est à réinventer se situent aux quatre coins du globe.

Cinq narrateurs aux destins apparemment différents : Harj travaille dans un centre d’appels au Sri Lanka ; Zack est un agriculteur de l’Etat de l’Iowa ; Julien est un accro aux jeux vidéo parisien ; Samantha, une nerd qui fait des earth sandwiches (jeu de mordus de la Toile qui consiste à se connecter avec un internaute aux antipodes) ; Diana, une Canadienne amie des bêtes et atteinte du syndrome de Gilles de La Tourette… Ils se font piquer par une abeille, pas au même endroit mais au même moment… L’espèce était censée s’être éteinte ! Ils font l’objet de toute l’attention de la communauté scientifique comme des services de sécurités. Traités comme des « E.T. », ils sont reclus dans un centre secret. A l’instar de cette comédie des années 1980, The breakfast club, où cinq lycéens qui appartiennent à des bandes différentes se retrouvent en colle et deviennent amis, Douglas Coupland montre des « victimes » de l’insecte plus unies qu’elles ne le croient dans leur résistance aux sirènes normatives.

Grand satiriste de la société ultra-contemporaine, Coupland réussit un roman polyphonique 2.0 à l’humour sagace, comme toujours plus tendre que cynique. S. J. R.

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