Portrait

Astrid Massiot: la jardinière des Lettres

Astrid Massiot. - Photo Olivier Dion

Astrid Massiot: la jardinière des Lettres

Responsable de la programmation du centre culturel des Champs libres, à Rennes, Astrid Massiot y organise aussi pour la troisième fois, du 7 au 9 février, le festival littéraire des Jardins d'hiver. _ par Fanny Guyomard

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Créé le 24.01.2020 à 15h10

Son festival, le festival littéraire des Jardins d'hiver (voir p. 9), veut « montrer que l'écrivain est un passeur, qu'il est inspiré par des auteurs et en inspire d'autres ». Astrid Massiot, qui en tient le gouvernail parallèlement à la responsabilité de la programmation du centre culturel des Champs libres, à Rennes, sait de quoi elle parle. Rencontres et lectures ont puissamment structuré son parcours. Et son roman personnel n'a pas fini de s'étoffer si l'on suit la règle arithmétique des littéraires, qu'elle énonce de son ton vif et posé : « Quand un écrivain aime un autre écrivain, il est fort probable que le lecteur du premier aime aussi les livres du deuxième ». Et de citer Moby Dick, de Melville, et les épopées d'Homère, sources d'inspiration pour de nombreux auteurs qui ont su toucher cette Bretonne émue, adolescente, par les migrants traversant les océans, les boat people, ces Vietnamiens qui fuyaient leur pays en guerre. Elle s'est un moment imaginée journaliste, mais un autre vent l'a portée, au gré des conseils de ses proches ou des œuvres qui lui sont tombées sous la main.

Ses parents, commerçants, ne sont pas de grands lecteurs, raconte-t-elle, mais ils lui ont toujours offert des livres. Le déclic est venu par une camarade du lycée qui, avant son départ comme fille au pair en Irlande, lui lègue toute sa bibliothèque. Et c'est en suivant une autre amie qu'elle se retrouve, en septembre 1988, en prépa littéraire. « Je n'ai pas tellement réfléchi », sourit-elle trente ans plus tard, sans regretter ce choix malgré une petite claque : « Je suis passée de très bonne élève à... me ramasser des notes pas possibles ! » Elle vit plutôt bien ces deux années, « prenant ce qui était bon à prendre » : des profs et des camarades brillants.

Entre autres leçons d'histoire et de français, Astrid Massiot apprend en prépa une méthode de travail rigoureuse et... l'humilité. Si bien que celle qui manifestait depuis toute petite un goût pour l'écriture, que ce soit dans son journal intime, les rédactions au collège et les dissertations au lycée, s'incline devant Mrs Dalloway de Virginia Woolf. « J'y ai découvert quelque chose que je ressentais, mais que je n'arrivais pas à formuler : que c'est fou, cette personne que je vois là-bas sous son parapluie, elle a sa vie à elle, sa pensée à elle. Et le lecteur peut la suivre grâce au stream of consciousness, le flux de conscience. Woolf arrive à le transcrire, explique-t-elle avec une fascination timide, le regard perdu sur une place rennaise balayée par la pluie. Cela a stoppé mes velléités d'écriture, car je ne ferais jamais mieux. J'ai compris que je serai moins comblée par l'écriture que par la lecture. » Prépa terminée, l'étudiante s'inscrit en licence d'anglais, ravie d'apprendre Shakespeare par cœur. Par peur de l'ennui, elle s'inscrit en sciences politiques. Mais sans enterrer pour autant le romanesque de sa vie, car elle choisit Sciences Po Strasbourg pour suivre un Allemand dont elle est tombée amoureuse lors d'un séjour au pays de la littérature anglaise, qui décidément a tout pour la combler.

Jamais loin de la mer

Dans l'Est, sa vocation se précise : elle veut travailler dans le monde de l'édition. Ce sera à La Nuée Bleue, mais au poste de responsable de communication. Ce n'était pas ce qui l'intéressait « a priori », mais sa tante qui exerce chez Nathan lui vante l'intérêt d'aborder le monde de l'édition par le commercial. La jeune active découvre alors la filière du livre « de sa fabrication à sa triste mise au pilon ». Surtout, elle rencontre les auteurs : nouvelle révélation.

Mais la Bretagne lui manque. « Je ne concevais pas ma vie loin de la mer », lance-t-elle avec son brin de poésie. Alors, quand en 2005 le centre culturel des Champs libres cherche un responsable de la programmation culturelle, c'est une aubaine. Surtout que la mission promet d'être captivante, car sont concentrés en un même lieu une bibliothèque de lecture publique et le Musée de Bretagne surmonté d'un planétarium.

Pour les Jardins d'hiver, l'endroit devient encore plus singulier, baigné de plantes et de lumières féeriques. Entre lectures-concerts, conseils de lecture et balades entre les rayons, Olivier Adam, Jeanne Benameur ou encore Lídia Jorge racontent leur jardin littéraire. « C'est le lieu intime de la création baigné par la lumière extérieure, explique Astrid Massiot. Sans cette lumière, les plantes meurent ». Ils ne sont pas plus d'une trentaine de jardiniers, pour que la directrice attentive passe du temps avec chacun. Elle savoure particulièrement ces moments où elle dîne et arrose ces fines fleurs, accompagne à la gare « l'homme ou la femme derrière l'écrivain ». Ces moments, aussi, d'échange avec le public, aux « réactions parfois bouleversantes ».

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