2 avril > Roman Serbie

Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, accompagné de son épouse Sophie, se rend à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, à l’époque dans le giron de l’Empire austro-hongrois. L’héritier de la Double monarchie et sa femme sont assassinés par un nationaliste yougoslave. L’Autriche-Hongrie accuse la Serbie d’être derrière l’attentat et lui déclare la guerre. La Russie du tsar, alliée du petit royaume des Balkans, s’en mêle, les Allemands se rangent du côté de Vienne. C’est le jeu des alliances : la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne, Russie) d’un côté, de l’autre la Triple-Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) rejointe par l’Empire ottoman… Le conflit embrase le continent, bientôt le monde.

Dans A la guerre comme à la guerre !, on entre dans le vif du sujet à la morgue. Le médecin légiste, un Turc de Bosnie, Mehmed Graho, est chargé de faire le moulage des visages de ces deux "corps importants". Il applique le plâtre quand soudain il entend un chuchotement. Stupeur ! Sous leurs masques blancs, François-Ferdinand et Sophie se parlent. Cet épisode fantastique est à l’image de toutes ces coïncidences dérisoires qui emballèrent la machine infernale de la Grande Guerre. Il donne le ton, à la fois burlesque et pathétique, de ce roman-opéra qui s’étale sur la durée des combats, avec un chapitre dédié à chaque année de la guerre, et se déploie sur le front comme à l’arrière, en Serbie, en Autriche-Hongrie, en France, au Royaume-Uni, en Russie ou en Turquie. Une vertigineuse fresque servie par une foultitude de protagonistes allant de personnages célèbres tels que l’espionne Mata Hari, Apollinaire ou Adolf Hitler caporal du 16e régiment d’infanterie bavarois, à d’illustres inconnus comme le cordonnier Gavra Crnogorcevic, falsificateur d’Idéaline, le fameux cirage allemand, ou Tibor Veres, le journaliste juif hongrois employé à rédiger des lettres d’insultes à la "scélérate" Cour de Serbie. C’est un Guerre et paix version 14-18, mâtiné de tragique antique (l’écrivain né en 1964 à Belgrade est également traducteur de classiques grecs en serbe et critique musical) et de pantomime dadaïste. Aleksandar Gatalica se fait démiurge ironique et versatile, nous déplaçant sans cesse de Paris à Berlin puis à Istanbul, tissant des connexions à la marabout-bout-d’ficelle, nous plongeant dans l’absurde du destin des hommes : "Dans les hôpitaux de campagne, on s’efforçait de retirer les balles des blessés dans l’espoir de leur sauver les jambes. On leur coupait les jambes dans le triste espoir de leur sauver la vie." Sean J. Rose

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