7 MAI - RÉCIT France

David McNeil- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

L'adresse est illustre, c'est celle de l'Olympia, le plus grand music-hall parisien. L'artiste, quoiqu'il n'y soit passé qu'une fois, n'est pas un inconnu non plus. David McNeil, auteur-compositeur-interprète indolent (son dernier album studio remonte à 1991), s'est transformé en un écrivain atypique et sensible, qui, de livre en livre, revisite quelques épisodes de son histoire, peu banale il est vrai. Rien que ses rapports compliqués avec son père, Marc Chagall, vieil avare sous influence de sa seconde épouse - que le fils appelle la Harpie -, fourniraient matière à plusieurs livres. McNeil a esquissé le mouvement avec Quelques pas dans les pas d'un ange (Gallimard, 2003), mais on sent bien qu'il a encore tant de choses à dire, à partager. Car notre homme, sous ses abords de géant timide, est un conteur intarissable.

Justement, cette fois, David McNeil a choisi de raconter cette soirée inoubliable du 27 janvier 1997 où, pour ses 50 ans, il avait décidé de s'offrir l'Olympia. Le vrai, celui qui avait une âme, juste avant sa destruction et sa reconstruction. Un concert unique, avec cuivres et tout le tralala, et aussi toute sa bande de copains, Charlebois, Julien Clerc, Souchon, Voulzy, Renaud, venus interpréter avec lui en duo quelques chansons dont certaines écrites pour eux : comme Mélissa, énorme tube qui tira McNeil de sa précarité, ou J'veux du cuir, en réaction à l'image du "nouvel homme" popularisée par les magazines, bien trop lisse à son goût. McNeil est un enfant du rock.

Le livre est habilement composé. Pas question d'un récit linéaire du concert, qui n'aurait été qu'anecdotique. Même si l'auteur raffole des anecdotes. Il a tricoté son affaire à sa façon, glissant au milieu des duos plein d'autres rencontres, souvenirs, histoires intimes. On croise ainsi Charles Trénet en vieille canaille, Montand en grand seigneur, pour qui McNeil écrira l'album Couleurs - un bide -, Nougaro vers la fin de sa vie. Patrick Modiano jeune (lequel fut un temps le condisciple de David dans un pensionnat chic de la banlieue parisienne), les ombres de Beckett à Montparnasse, de Hugo Pratt à Venise, ou encore de Doisneau, au cours d'une séance photo mouvementée.

Dans un passage émouvant, McNeil raconte comment il a appris, après sa mort en 1985, que son père - qui adorait la chanson - suivait son parcours avec attention et fierté. Il ne lui en a jamais rien dit, bien sûr, et n'a pas pu être à l'Olympia. Montand et Nougaro non plus.

Comme tous les livres de David McNeil depuis ses débuts à L'Arpenteur, avec Lettres à Mademoiselle Blumenfeld, paru en 1991, 28, boulevard des Capucines ne ressemble à rien d'autre. C'est drôle, tendre, sans prétention, les paroles sont bien choisies. Et le blues, inimitable.

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